Stage 1 - Les bases artisanales du Métier d'artiste peintre

Différencier l'art et l'artisanat ? Retrouver les bases du Métier de peintre quand l'avènement de l'Artiste, au tournant de la Renaissance et durant l'époque classique, a semblé avoir rendu vain les savoirs et savoir-faire qui en faisaient la spécificité ? Rien de plus inutile apparemment, en particulier de nos jours, depuis que l'industrie a entériné cette séparation en assumant quasiment l'intégralité des tâches autrefois dévolues à la préparation manuelle des matériaux. Et pourtant...

 

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Alexandre Cabanel La naissance de Vénus 1863
Huile sur toile Paris Musée d'Orsay
Peinture académique

Certes, nous ne sommes plus au Moyen Age, ni à la Renaissance, pas plus au XVIIème siècle baroque qu'au XIXème académique.

 

Ce dernier, par exemple, tant décrié durant l'essentiel du XXème siècle, en particulier dans les milieux artistes dits d'avant-garde et au sein des écoles d'art, a retrouvé les faveurs du public et des connaisseurs, entre autres depuis l'ouverture du Musée d'Orsay en 1986. On peut lui reconnaître, en particulier, une qualité d'exécution à faire pâlir d'envie les peintres hyperréalistes américains des années 1950-1960.

 

 

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Claude Monet La Manneporte près d'Etretat 1886
Huile sur toile New York Metropolitan Museum of  Art
Peinture impressionniste 

 

 

 

 

 

 

Cependant, qu'on défende une position souvent qualifiée de rétrograde, sous le couvert d'un passé idéalisé, ou qu'on se positionne résolument du côté de l'innovation, il faut bien admettre que l'Impressionnisme est passé par là, qui a balayé les traditions, ouvrant l'art pictural aux vents de la modernité. Celui-ci était sans nul doute parvenu à un tel point de sclérose et de dogmatisme, en particulier quant à la hiérarchie attribuée aux sujets traités - l'histoire ou la mythologie y tenant la place suprême - qu'il était nécessaire d'y faire le ménage.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mais il est permis de penser que les Monet et autres Cézanne, malgré leurs innovations indiscutables, en particulier dans l'emploi de la couleur et le renouvellement des sujets, sont peut-être allés un peu loin, ramenant entre autres la technique de l'huile à un état antérieur à la génération des Van Eyck. En effet, d'après les écrits du moine Théophile (XIème - XIIème siècles) : "Schedula diversum artium", la peinture à l'huile n'était bonne qu'à peindre les statues et objets du quotidien du fait, entre autres, de sa lenteur à sécher. C'est pourtant avec cette technique on ne peut plus sommaire que les Impressionnistes se sont lancés dans leurs expérimentations.

 

Quoi qu'il en soit, peindre sur le motif, si possible en une seule séance pour être capable de saisir la lumière fugitive de l'instant qui passe, telle était, a priori, l'ambition ultime des novateurs de la fin du XIXème.

 

 

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Diego Vélasquez Les Ménines (détail) 1656-1657
Huile sur toile Madrid Musée du Prado
Peinture espagnole XVIIème siècle

 

 

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Pierre Paul Rubens "La kermesse" (détail) Vers 1635-1638
Huile sur bois Paris Musée du Louvre
Peinture flamande XVIIème siècle

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mais qu'il est loin le temps des Vélasquez ou des Rubens qui voyait ces virtuoses de la brosse exécuter un morceau de peinture "alla prima" telle "La Kermesse" du Louvre, en une seule journée, mais en y déployant tout un jeu de transparences et d'opacités, de glacis et d'empâtements !

 

 

 

 

 

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Le règne de l'opacité
Peinture contemporaine

 

 

A partir de la fin du XIXème et durant toute la première moitié du XXème siècle, la technique de l'huile, dans les faits, est donc revenue à ses balbutiements, réduite au mieux à "une gouache à séchage lent" et inaugurant par défaut les innombrables "croûtes" désespérantes d'opacité que les générations de peintres qui suivront la révolution impressionniste nous ont laissées.

 

 

 

 

 

Certaines peuvent valoir des fortunes aux yeux  du collectionneur... ou de l'investisseur. Leur empilement de touches colorées, juxtaposées, grattées, frottées reste aux yeux du technicien d'une triste monotonie. Nulle profondeur de la couleur, nulle subtilité dans la touche. C'est la pâte picturale sortie directement du tube, liquéfiée quelque peu à l'essence dans le meilleur des cas ou, à l'inverse, noyée d'huile par le peintre adepte de la sacro-sainte règle du "gras sur maigre". Le summum de la technicité pour un artiste de la première moitié du XXème siècle ? Etre capable d'éviter le jaunissement de la peinture, et la craquelure, sanctions évidentes d'une technique fautive. Mais n'y avait-il rien d'autre à attendre de la technique de l'huile ?

 

Un renouveau s'est dessiné au tournant des années 1950, suite aux travaux de Louis Anquetin, Jacques Maroger et Marc Havel. "Médium" est réapparu dans le vocabulaire de la peinture. De quasi gros mot pour les Modernes, il est devenu de nos jours un passage obligé : revirement des modes, balancement des extrêmes... A tel point, maintenant, que certaines firmes en viennent à proposer des produits dont on peut se demander, parfois, s'ils ont un intérêt pictural ou s'ils existent par eux-mêmes, histoire de garnir les rayonnages et le tiroir-caisse des boutiques de produits Beaux-arts ou des sites Internet qui, de plus en plus, en prennent le relais. Jamais le peintre amateur n'a eu à sa disposition un tel éventail de produits aux noms pseudo-historiques plus fantaisistes les uns que les autres. Mais la plupart de ces peintres, pourtant sincèrement passionnés, les délaissent, soit par ignorance de leurs éventuelles possibilités, soit par une croyance un peu naïve en la simplicité d'un procédé né de l'Impressionnisme, qu'ils croient être celui hérité de la Tradition, alors que, précisément, l'Impressionnisme l'a mise à bas. A l'inverse, un certain nombre de curieux osent se lancer malgré le peu d'information disponible sur les étiquettes et modes d'emploi mis à disposition du public, et passent d'un produit à l'autre en une valse continue, quitte à revenir au premier après épuisement de la liste.

 

Cependant, malgré cette apparente richesse, le Métier reste ignoré et le peintre demeure prisonnier à la fois de ses manques et des firmes qui conçoivent ces produits sans lui donner les moyens d'en tirer le meilleur parti. Quant à ce qui fait la base même de la peinture, la pâte pigmentaire, elle reste désespérante de pauvreté : pigments organiques souvent bas de gamme ; additifs destinés à augmenter la prise d'huile au détriment de la concentration pigmentaire, histoire d'abaisser le prix de revient ; huiles quasi non siccatives de manière à ce que la peinture ne risque pas de sécher dans les tubes, d'où, a contrario, abus des siccatifs de surface afin que la pâte sèche, enfin, sur le tableau...

 

Ajoutons à ce panorama le bouleversement qu'a introduit le multiculturalisme : depuis Lascaux jusqu'au Pop Art ou au Ready-made, en passant par la sculpture Dogon, la calligraphie chinoise ou les recherches muséographiques sur Rembrandt, on est dans le syndrome du trop-plein. Internet, outil potentiellement extraordinaire de diffusion des connaissances, a encore accentué le phénomène. Nul étonnement à ce que l'on se retrouve devant le "carré blanc sur fond blanc", analogue de la page blanche de l'écrivain en mal d'inspiration ! "Et maintenant, que faire ?"

 

Notre proposition : revenir aux origines manuelles et artisanales du Métier pour retrouver, autant que faire se peut, les gestes, les matériaux et les méthodes que notre époque, depuis le milieu du XIXème siècle, a abandonnés, de plus en plus, au machinisme industriel. Savoir tout autant choisir, monter, encoller, enduire un support, que reporter un dessin au calque gras, passer une imprimature, démucilaginer et cuire une huile, composer un médium thixotrope ou choisir un vernis en connaissance de cause et l'appliquer sur une toile. En d'autres termes, maîtriser un Métier hérité d'une tradition multiséculaire que les peintres n'auraient jamais dû laisser aux mains de fabricants dont la motivation première, naturellement, est bien plus économique qu'artistique. Peut-on le leur reprocher ?

 

Il serait cependant regrettable, par extrémisme passéiste, de tirer un trait sur les innovations contemporaines. On peut s'extasier devant la technicité de Rubens sans vouloir - ou croire pouvoir... - "refaire du Rubens" en courant après la préparation secrète de ses panneaux ou le liant miracle qu'il aurait utilisé, à l'exclusion de tout matériau contemporain sacrilège ! La chimie des XIXème et XXème siècles nous a, en effet, offert entre autres une richesse pigmentaire unique. Un Rubens, précisément, aurait rêvé de disposer d'un violet de cobalt, teinte inconnue à l'époque, ou d'un outremer Guimet, si pur et pourtant si peu onéreux en comparaison du traditionnel, mais si coûteux, bleu de lapis-lazuli ; d'un vert phtalocyanine ou d'un rouge quinacridone, tonalités incroyablement saturées et pourtant parfaitement fixes à la lumière ! Et que dire des vernis ? Même si la chimie contemporaine n'a pas encore mis au point le vernis final répondant à tous les critères attendus d'un tel produit, ses propositions ne sont pas à ignorer, loin de là !

 

C'est sur cette rencontre entre la tradition et la modernité que  nous avons bâti notre programme de stages sous l'égide de l'association ATP - Art et Techniques de la Peinture. Un peu de théorie pour mieux comprendre ce que l'on fait et pouvoir aller de l'avant par soi-même, une fois le stage achevé, et beaucoup de pratique pour mettre en œuvre ce qui a été préalablement expliqué. Un exemple ? Savoir maroufler une toile sur un panneau, parce que ce type de support, certainement l'un des meilleurs, n'existe pas sur le marché : voilà une  manière de revenir à la tradition. Mais avec quelle colle effectuer ce travail ? Van Eyck aurait opéré à la colle de peau. Nous en montrons l'intérêt pour un petit format ; mais une dispersion moderne, vinylique ou acrylique, est tellement plus facile à manipuler pour un format moyen ou plus vaste ! Alors, pourquoi nous en priver ?

 

Savoir voyager et choisir entre la tradition et la modernité, oser mélanger les deux pour profiter autant de l'expérience des Maîtres que des innovations contemporaines, mais aussi en comprendre le pourquoi comme préambule indispensable à une mise en œuvre effective et efficace, tels sont les points de vue, ni passéistes ni modernistes par principe, que nous avons choisis d'adopter.

 

Si cette démarche visant à offrir la possibilité à tout peintre de maîtriser les bases artisanales de son Métier afin d'être plus à même de développer ses talents d'artiste rencontre ton adhésion, alors rendez-vous sur la page "Survol du programme".

 

 

 CopyrightFrance.com

 


Date de création : 10/06/2014 - 16:24
Dernière modification : 16/01/2019 - 18:46
Catégorie : Stage 1
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Réactions à cet article


Réaction n°2 

par Delac le 21/07/2016 - 22:38

Bonsoir à vous,

C'est bien volontiers que j'accepte votre proposition de lien. Je vous en remercie.

Cordialement,

Christian VIBERT


Réaction n°1 

par zunzarren le 21/07/2016 - 14:40

Arrivé par hasard sur votre site en cherchant l'origine du mot "croute" attribué à  une peinture, j'ai été séduit par la grande qualité de son contenu. Je vais mettre un lien à partir de mon site galerierolland33.fr vers le votre, si cela vous agrée. Dans l'attente de vous lire.

Ph. Zunzarren gabrieldantzen@gmail.com

 

 
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A propos de l'Atelier des Fontaines >>

Christian VIBERT

- Ancien étudiant à l'Ecole des Beaux-Arts de Versailles et de Paris (ENSBA)

- Copiste au Musée du Louvre

- Licence d'arts plastiques Panthéon-Sorbonne Paris I

- Licence de sciences de l'éducation Nanterre Paris X

- Artiste peintre

- Fabricant de médiums
(auto-entrepreneur)

- Enseignant

- Formations en techniques de peinture anciennes (Moyen Age au XIXème siècle), préparation des huiles et des vernis gras

christian.vibert@atelier-des-fontaines.com

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