La technique mixte a été réimportée en France, en particulier par Nicolas Wacker, professeur de techniques de la peinture à l'Ecole nationale supérieure des Beaux-arts de Paris (ENSBA) de 1969 à 1984. J'ai eu la chance de travailler avec lui à l'époque où j'étais étudiant dans cette école. Comme je l'explique ici, cette technique a été une révélation pour moi. En effet, elle combine toutes les autres en les dépassant, permettant même de s'affranchir de la tyrannique règle du "gras sur maigre".
Cependant, les produits proposés par Nicolas Wacker sont peu performants par eux-mêmes. C'est pourquoi, tout en conservant l'esprit de la technique mixte, je les ai, très tôt, remplacés par d'autres, beaucoup plus élaborés.
Au sujet donc de Nicolas Wacker, un ami, travaillant avec les médiums gras Atelier des Fontaines, m'écrit ce qui suit :
P. P. : Il semble démarrer le tableau directement à l'émulsion, quelques instants après le passage d'une imprimature au vernis Dammar.
C. V. : Une fois la couche de vernis devenue collante, oui.
P. P. : Il commence, au contraire de ce que je fais, avec un blanc broyé à l'émulsion en ébauchant les lumières et les zones claires, puis avec un blanc teinté qui annonce la couleur locale en restant en dessous de l'intensité de la couleur définitive.
C. V. : C'est exact. C'est pourquoi, en particulier, j'ai signalé dans cette page, la possibilité de broyer les blancs à l'émulsion plutôt qu'à l'huile. Ce faisant, on est effectivement encore plus proche de l'esprit de la technique mixte telle qu'exposée par Wacker. Maintenant, il faut savoir que la consistance de la pâte ainsi broyée peut être déroutante pour qui n'a jamais peint à l'émulsion. Mais les effets obtenus sont tout fait intéressants et la couche posée est, alors, vraiment très maigre.
P. P. : Il propose de poursuivre les tons plus foncés que l'imprimature et les tons d'ombre les plus foncés des formes à modeler avec des couleurs broyées à l'huile et mélangées à l'émulsion. On obtient ainsi une sorte de grisaille. Dans cette couche, il propose d'intervenir avec des glacis colorés au médium.
C. V. : Après séchage de l'ébauche à l’émulsion, oui.
P. P. : Le tableau ayant ainsi perdu en écart de valeurs, il conseille de reprendre si possible dans le frais avec l'émulsion pour rétablir cet écart et, éventuellement, de remplacer un ton transparent par un ton couvrant. Que penser de cette pratique ?
C. V. : Reprendre dans le frais n'est pas une option, c'est impératif ! C'est la seule règle vraiment incontournable avec la technique mixte ; celle qui conditionne la tenue des pâtes posées "maigre sur gras".
Il faut bien comprendre que chaque peintre a sa manière de travailler, résultat de l'expérience acquise tout au long de sa formation, qu'il se la soit appropriée par contact avec d'autres peintres, ou qu'il l'ait lui-même élaborée par une lente maturation personnelle. La procédure proposée par Wacker est donc tout à fait défendable. Cependant, personnellement, si l’esquisse préalable, par exemple exécutée au fusain, est suffisamment discrète, je préfère commencer à ébaucher directement au médium, de manière à obtenir, dès l’abord, des ombres transparentes selon une facture dite ouverte, c’est-à-dire laissant deviner la couche d’imprimature de départ. Mais, si le besoin s’en fait sentir, il est tout à fait possible de revenir dans les ombres avec des tons à l’émulsion, en particulier pour les reflets. Ces tons sont effectivement à poser légèrement trop pâles, de manière à pouvoir être reglacés par la suite, en transparence.
Avec la procédure exposée par Wacker, on perd la coloration de l'imprimature et une partie de la transparence des ombres. Maintenant, si la manière de faire de Wacker te convient, n’hésite pas. Les produits proposés, par contre : vernis dammar, huile crue… sont, à mon goût, peu performants.
P. P. : Il m'est arrivé que le vernis à retoucher obtenu au médium bien dilué se rétracte comme sur une surface imperméable. Est-ce parce qu'il est plus maigre que la couche du dessous ?
Oui, en particulier si tu travailles sur une imprimature grasse.
P. P. : Si oui, comment agir pour avancer le tableau ?
En posant un vernis à retoucher moins dilué, donc plus gras, ou en y ajoutant un peu d’essence d’aspic qui, parce qu’elle est relativement agressive, va légèrement attaquer la couche de dessous. Par contre, elle va aussi retarder la prise du médium. C’est à essayer.
Amicalement,
Christian VIBERT
Date de création :29/03/2015 - 15:27Dernière modification :24/06/2015 - 18:45