Tout d’abord, merci et bravo pour votre site et l’énorme travail de documentation qu’il y a derrière.
Merci à vous. Notez qu'il ne s'agit pas uniquement de documentation, mais, le plus souvent, d'expérimentation, ce qui a une tout autre valeur. Il est somme toute relativement facile de trouver de la documentation, et encore plus facile d'en faire un copier-coller. On trouve cela sur nombre de sites Internet. Personnellement, je trouve infiniment plus profitable de tester soi-même ce qu'il en est. La procédure est, certes, plus longue, mais elle a l'avantage de donner des résultats sûrs. On sait où l'on va.
Vous qui prônez avec raison l’utilisation de l’huile de noix, n’avez-vous jamais testé son utilisation comme médium, après cuisson ? Je vois déjà la critique qui peut en être faite, à savoir que la cuisson pourrait donner une teinte ambrée à l’huile de noix. Mais si je m’intéresse à cela, c’est parce que Titien, d’après les rapports de la National Gallery de Londres, a employé l’huile de noix cuite avec des pigments bien particuliers comme par exemple le blanc de plomb et la laque de Garance. Votre avis m’intéresse donc à ce sujet.
Soyons précis. Je recommande, a priori, l'huile de noix plutôt pour le broyage des pigments, en particulier des blancs et des tons froids, surtout les bleus, toutes teintes qui supportent mal le jaunissement inhérent à toutes les huiles, mais plus caractéristique de l'huile de lin. Ceci étant, les teintes chaudes tolèrent très généralement le broyage à l'huile de lin, les terres, bien entendu, mais aussi nombre de jaunes et de rouges organiques, qui sèchent mal par eux-mêmes, et la plupart des noirs, concernés par le même problème.
Pour ce qui est des médiums, la question est autre. On n'attend pas d'un additif ce qu'on demande à un liant de broyage. Un médium se doit d'apporter un effet particulier à une pâte de composition plus standard. C'est pourquoi je préconise plutôt de séparer les deux. D'un côté, les pâtes broyées avec un liant de qualité, mais d'emploi général ; de l'autre, un médium spécifique au travail à exécuter.
Pour parler plus concrètement, la majorité des médiums répondent très généralement à une première fonction qui consiste à améliorer la siccativité de pâtes conçues comme ayant à être stockées un certain temps avant leur emploi. D'où, au passage, la tendance de la plupart des fabricants de produits Beaux-arts à surtout ne pas employer d'huiles trop siccatives pour la préparation de leurs couleurs. Elles risqueraient de sécher dans les tubes avant même d'avoir été vendues !
Pour la composition des médiums, l'huile de lin est donc excellente. En effet, elle siccative relativement vite par elle-même et offre un film peint plus dur, plus résistant. C'est pourquoi, pour les médiums que je compose et commercialise, personnellement, je lui donne la préférence. Par ailleurs, un médium étant destiné à être utilisé en quantité globalement réduite, son léger jaunissement ne se fait, en réalité, guère sentir. Même les fameuses huiles noires ne colorent, dans les faits, que fort peu les pâtes auxquelles on les mêle.
Concernant l'huile de noix, elle peut, bien évidemment, elle aussi, être utilisée, cuite, pour la composition des médiums. Sur ce point plus précis, si vous en avez fait l'expérience, vous aurez d'ailleurs noté le fait que l'huile de noix se colore nettement moins à la cuisson que l'huile de lin. Sa moindre richesse en acide gras linolénique au profit d'acide gras linoléique en est la cause essentielle. Cela peut sembler, a priori, un avantage pour nous autres peintres. Cependant, indépendamment même de la nature de l'huile choisie, il y a cuisson et cuisson. La procédure mise en œuvre a toute son importance. Les paramètres sont nombreux et déterminants : fraîcheur du produit (huile préoxydée ou non), température et durée de cuisson, en présence ou non d'air, éventuellement d'eau, avec ou sans oxydes métalliques et lesquels... Oui, l'huile de noix cuite peut être employée pour la composition des médiums, mais avec quelques précautions. Le mode de cuisson choisi a, ici, une réelle influence. Sinon, en particulier en présence de résines tendres entrant dans la composition des médiums du type Maroger ou vernis-gel, elle peut demeurer poisseuse pendant des semaines.
Je ne la produis pas encore couramment, mais il m'arrive d'en fournir, occasionnellement, selon la demande.
Bien cordialement,
Christian VIBERT
Date de création :15/11/2015 - 17:52Dernière modification :16/11/2015 - 02:00