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"Concernant l'huile de lin versus l'huile de noix, je pense que nous sommes tous d'accord sur le fait que la première jaunit davantage, que son séchage est plus rapide, mais pose le problème d'un séchage homogène en profondeur et qu'elle produit un film plus dur. Je trouve que les deux inconvénients de l'huile de noix (moindre rapidité de séchage et moindre dureté) peuvent aisément être évacués en utilisant un siccatif et on y ajoutant un peu de copal (voire en l'utilisant pour la fabrication d'un vernis à base de copal). Quel est alors l'intérêt d'utiliser l'huile de lin ? Je continue à en utiliser un vieux stock...."

 

Question récurrente s'il en est, en particulier depuis que l'huile de noix a été remise à l'honneur à partir des années 1990.
 
Ce que vous dites concernant cette huile : siccativation plus lente, surtout dans un premier temps - ce que l'on nomme la période d'initiation - et film final plus mou est tout à fait exact. On peut le traduire de manière positive par "temps de siccativation global quasi équivalent à celui de l'huile de lin, mais plus progressif, et film obtenu plus souple." Son jaunissement est aussi, en effet, moindre, du moins si l'huile a été correctement démucilaginée.
 
Son emploi est donc particulièrement utile sur toile tendue sur châssis, support qui nécessite une peinture demeurant souple, et pour le broyage des couleurs supportant mal le jaunissement : les blancs et les bleus en particulier. Le fait de la siccativer légèrement peut être utile, ce que nous proposons nous-même. De même, l'addition d'un peu de médium au copal est bien un moyen de compenser son relatif manque de dureté.
 

Quid alors de l'huile de lin ? Une fois votre "vieux stock" épuisé - Ouf ! Bon débarras ! - surtout s'abstenir d'en recommander ? Pourquoi, alors, les Anciens la tenaient-ils en si haute estime ? Ils connaissaient les qualités de l'huile de noix. Pourquoi continuaient-ils à user de l'huile de lin réputée jaunissante et que vous décrivez comme siccativant de manière non homogène ?
 
Il faut déjà considérer qu'il y a huile de lin et huile de lin. Celle fort peu chère mais très chargée en impuretés que l'on trouve en grande surface est parfaite pour imprégner un plancher ou des tomettes de terre cuite. Mais gare à son utilisation, telle quelle, pour la peinture artistique ! Alors, oui, le jaunissement est garanti !
 
Les huiles commerciales préparées pour la peinture artistique sont autres. Ayant subi une multitude de traitements trop longs à détailler ici, elles jaunissent beaucoup moins. Cependant, leur onctuosité, et même leur siccativité - ce qui en fait pourtant l'un des intérêts - en pâtissent. L'essai peut en être fait à tout moment : déposées même en couche mince sur un support à peindre, elles peuvent mettre une dizaine de jours à être hors poussière. Et de consistance quasi aqueuse, elles peuvent sembler quelque peu anémiques sous la brosse.
 
Autres encore sont les huiles de première pression à froid. Très siccatives, onctueuses et riches à l'emploi, ce sont précisément celles qu'ont utilisées les Anciens, époque où l'on ne  savait que préparer les huiles ainsi. Seule contrainte : devoir de toute évidence les démucilaginer, sauf à accepter un jaunissement irréversible dû non pas à l'oxydation des acides gras eux-mêmes, dont la coloration est fugace sous la lumière, mais à celle des mucilages présents dans toute huile non traitée. C'est bien pourquoi un certain nombre d'ouvrages nous ont laissé de multiples recettes expliquant comment travailler ces huiles avant leur emploi.
 
A cette seule condition, une huile de lin de première pression à froid est un produit de qualité exceptionnelle : elle siccative vite en jaunissant peu, et perd très largement sa coloration si l'on prend la précaution de l'exposer à la lumière durant sa période de siccativation. On peut lui reprocher de siccativer plus vite en surface qu'en profondeur - ce que vous décrivez par une siccativation non homogène. Il suffit déjà de ne l'employer qu'en couche mince. Cependant, la meilleure solution consiste à la préparer en présence d'oxydes métalliques destinés précisément à provoquer une siccativation profonde. Alors, correctement préparée, on peut parfaitement comprendre que l'huile de lin ait recueilli de tout temps l'approbation de générations de peintres, en particulier des Flamands, et ce, jusqu'à maintenant. C'est encore, par exemple, l'huile préférée de la plupart des peintres aux USA.
 
Pour conclure, je dirais que l'huile de lin est particulièrement performante employée, d'une part pour le broyage des couleurs siccativant difficilement par elles-mêmes et particulièrement les teintes sombres ou chaudes, donc ne craignant aucunement un certain jaunissement ; d'autre part, beaucoup plus réactive que la plupart des autres huiles siccatives, elle déploie toutes ses qualités pour le brossage d'ébauches destinées à être reprises rapidement, et pour la composition des médiums à base d'huile cuite : médium Maroger, médiums flamands et vénitiens, médium au copal, etc.
 
Cordialement,
 
Christian VIBERT
 

 

 

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Date de création :10/01/2016 - 14:25Dernière modification :10/01/2016 - 23:02

 
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Christian VIBERT

- Ancien étudiant à l'Ecole des Beaux-Arts de Versailles et de Paris (ENSBA)

- Copiste au Musée du Louvre

- Licence d'arts plastiques Panthéon-Sorbonne Paris I

- Licence de sciences de l'éducation Nanterre Paris X

- Artiste peintre

- Fabricant de médiums
(auto-entrepreneur)

- Enseignant

- Formations en techniques de peinture anciennes (Moyen Age au XIXème siècle), préparation des huiles et des vernis gras

christian.vibert@atelier-des-fontaines.com

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