"Work in progress 2a" :
une démonstration de quelques possibilités du médium vénitien
Le médium vénitien Atelier des Fontaines |
A titre d'exemple, nous avons aussi décidé de montrer quelques images d'un travail en progression (work in progress) au médium vénitien, toujours selon la technique mixte qui, à notre avis, étend de manière significative les possibilités du travail à l'huile. Notre but n'est toujours pas de réaliser une œuvre mais, en nous libérant des exigences de la facture réaliste, de montrer avec le maximum de liberté la spécificité du médium vénitien, particulièrement quand il est employé en technique mixte, et son principe essentiel : le travail maigre sur gras.
Le support : une feuille de papier épais avec une enduction maigre |
Nous travaillons sur un support papier à dessin Canson, enduction maigre. C'est le support économique sur lequel nous testons le plus souvent nos produits. Il est relativement lisse, mais un très léger grain peut s'observer dont les tracés au fusain ont accroché les aspérités. Ce tracé a été fixé par un encollage, d'une part pour ne pas être emporté par le travail pictural ; d'autre part, de manière à réduire légèrement l'absorption de l'enduit.
Première ébauche au médium vénitien dilué |
Première phase : Le travail avec le médium gras vénitien
Après avoir passé sur l'ensemble de la surface un vernis à retoucher composé de médium gras vénitien généreusement dilué à l'essence de térébenthine, sans attendre l'évaporation du diluant, nous attaquons la première phase du travail de la technique mixte par la pose du médium gras. Nous travaillons avec de l'ocre jaune broyée à l'huile. Notre médium à peindre est composé lui-même de médium gras vénitien, mais un peu moins dilué.
Les stries laissées par la brosse : la touche est immédiatement bloquée |
Comme avec le médium à la manière flamande, on peut noter que, bien que l'ocre jaune soit considérée comme une couleur plutôt opaque, le dessin transparaît dans toutes ses parties. Cependant, si l'on observe attentivement les stries plus épaisses, on peut remarquer que, par différence avec le flamand, le médium vénitien n'est pas totalement transparent, mais plutôt opalescent.
Avoir posé un vernis à retoucher préalable permet aussi, de manière très aisée, sans changer de brosse, de modeler la couleur dans le fond humide. On obtient ainsi toute une gamme de valeurs avec une étonnante économie de moyens. Remarquez encore les traces de brosse, laissées à vif ou fondues, sans la moindre coulure, alors que la pâte a été généreusement liquéfiée.
A ce stade, pourtant, la différence essentielle entre les médiums gras vénitien et flamand ne se situe pas dans leur apparence, mais plutôt à leur toucher. Le médium vénitien se liquéfie moins sous le mouvement de la brosse que le flamand. Il est à la fois plus onctueux, car essentiellement huileux, tout en présentant un toucher très court : la touche se bloque immédiatement à la pose.
Ajout de couleurs variées au médium vénitien |
A la suite, d'autres couleurs peuvent être introduites de manière, par exemple, à poser le ton local de sujets différents. Bien que bloquée, la touche peut, en effet, être remobilisée sans aucune difficulté. Comme le médium flamand, le médium vénitien montre ainsi son caractère thixotrope : onctueux sous la brosse, il se fige immédiatement au repos, mais, non collant, il retrouve sa mobilité si on le sollicite de nouveau. Par contre, on remarquera l'aspect strié, bien que souple, typique de l'emploi de la cire dans le médium vénitien.
Un aspect strié, mais souple, très caractéristique |
Couleurs fondues au médium vénitien |
Ici, nous travaillons avec une ocre rouge et un bleu phtalocyanine.
Du fait de son caractère thixotrope, le médium vénitien permet donc, naturellement, le fondu des différentes couleurs, sans difficulté, les unes dans les autres.
Bien que fondues, les couleurs demeurent légèrement striées |
A noter : même fondues, les couleurs continuent cependant à présenter un caractère strié dans toutes leurs parties. Le médium vénitien conserve, en effet, parfaitement les traces de l'outil. Il constitue ainsi un médium qui met particulièrement en valeur la facture picturale.
Effet de fondu |
Ce qui n'empêche nullement d'obtenir des fondus très subtils. Du plus ferme au plus fondu, telle est l'une des caractéristiques du travail au médium vénitien.
Reprise en deuxième couche |
Agrandissement du document ci-contre |
Et, comme nous le disions plus haut, il est possible de reprendre tout aussitôt dans le frais. Nous repassons ici une seconde couche avec les mêmes pâtes. La couche posée précédemment retrouve sa mobilité permettant la pose...
Nouveau modelé |
... puis, de nouveau, le modelé des couleurs.
Pose d'empâtements à la truelle à peindre |
Changement d'outil : nous utilisons maintenant la truelle à peindre. Épaisse, mais très souple, la pâte se travaille sans difficulté. Elle garde parfaitement l'empreinte de l'outil, sans effondrement. Notez qu'elle demeure translucide, même posée généreusement : les traces de fusain restent visibles sous l'épaisseur des empâtements.
Notez encore la légère granulation, visible même à l'œil nu, dans l'épaisseur des empâtements.
Reprise des empâtements à la brosse |
Empâtements qui, bien entendu, peuvent de nouveau être brossés : la pâte n'est ni collante, ni coulante.
Notez l'onctuosité de la pâte qui conserve parfaitement les traces de l'outil, mais sans aucune sécheresse. Un peintre tel Delacroix rêvait de retrouver "cet empâté à la fois ferme et gras".
Le médium vénitien, ou comment associer fermeté et onctuosité |
Travail du médium vénitien sous forme de demi-pâte |
Le médium vénitien peut être employé en empâtements ou, dilué ou non, sous forme de glacis, mais son utilisation la plus courante reste celle de la demi-pâte. Là encore, il confère aux pâtes picturales un toucher très agréable qui allie la fermeté et la souplesse.
Vue globale de l'ébauche au médium vénitien |
Voici le résultat de cette première phase de travail au médium vénitien. L'ensemble demeure globalement très lumineux, malgré l'emploi de pigments dont la coloration est peu saturée par elle-même. Ceci tient au fait que l'exécution demeure très transparente. Le support n'est pas bouché. Notez, par exemple, que les tracés d'origine, au fusain, restent quasiment partout discernables. Cependant, quelques parties plus empâtées apportent une certaine variété à la matière picturale.
Détail agrandi du document ci-contre |
Un aspect fondu conservant cependant les traces de l'outil |
Superpositions d'empâtements au médium vénitien |
Poursuivons notre travail à la truelle à peindre.
A peine posées, les pâtes additionnées de médium vénitien, même appliquées avec générosité, supportent sans difficulté les superpositions.
Songeons aux célèbres coquelicots sur fond de prairies verdoyantes de Monet et à la facilité qui aurait été celle des Impressionnistes s'ils avaient connu ce médium...
La composition de ce produit, qui avait perduré en Italie jusque dans les premières années du XIXème siècle, suscitera l'interrogation de nombreux peintres, depuis les Romantiques jusqu'aux Impressionnistes.
Ni collante, ni coulante : du plaisir de travailler avec une pâte thixotrope |
Ces mêmes empâtements peuvent, bien entendu, être tout aussitôt retravaillés.
Détail agrandi du document ci-dessus |
Et, pour finir, un détail agrandi montrant clairement la consistance à la fois ferme et onctueuse de ce médium si particulier.
Nous vous donnons maintenant rendez-vous au "Work progress 2b" pour la suite de notre séance. Nous allons y procéder à la reprise dans le frais, à l'émulsion, maigre sur gras.