"Work in progress 2b" :
une démonstration de quelques possibilités du médium vénitien (suite)
Seconde phase : Selon la technique mixte, reprise à l'émulsion, maigre sur gras, sur le médium encore frais.
Nous venons de travailler les glacis au médium gras vénitien. Dans le frais, nous reprenons maintenant les lumières avec l'émulsion correspondante.
L'émulsion au médium vénitien et au liant aqueux stabilisé, fraîchement posée |
Comme le médium à la manière vénitienne Atelier des Fontaines, l'émulsion correspondante est basée sur une huile cuite et sur les cires d'abeille et de carnauba. S'y ajoute notre liant aqueux stabilisé en émulsion interne.
L'émulsion au médium vénitien et au liant aqueux stabilisé après quelques jours de séchage en lumière diffuse |
Il est à noter que cette émulsion, légèrement jaunâtre lors de sa pose, éclaircit considérablement lors de sa siccativation en lumière même diffuse. En effet, les huiles cuites Atelier des Fontaines sont photo-sensibles du fait de leur cuisson en présence d'oxydes métalliques. Contrairement aux huiles crues qui jaunissent parfois considérablement au séchage, la coloration de ces huiles cuites ne perdure pas dans le temps.
Pose des lumières à l'émulsion |
Nous posons donc nos lumières à l'émulsion. On note que celle-ci peut parfaitement se modeler et qu'elle conserve son apparence opalescente. Les tracés au fusain peuvent encore aisément se discerner. Le léger tirant que la pâte présente sous la brosse facilite le brossage, car elle ne glisse pas. Au contraire, de consistance beurrée, elle se tend sur le fond avec une extrême facilité, tout en gardant une apparence légèrement striée, signature typique du médium vénitien.
Renforcement de l'opacité |
Nous insistons en surchargeant à l'émulsion, de manière à atteindre l'opacité. La pâte de consistance à la fois tirante et onctueuse se modèle sans difficulté. On voit aisément le parti qu'il est possible de tirer de l'usage d'une pâte additionnée d'émulsion, donc légèrement translucide. Il suffit d'en varier l'épaisseur pour obtenir toute une gamme de valeurs sans qu'il soit nécessaire de composer laborieusement plusieurs tons sur la palette. Le travail en clair-obscur se trouve ainsi remarquablement facilité.
Et ajout d'empâtements ! |
Ne nous arrêtons pas en si bon chemin ! Tant qu'à surcharger, jusqu'où aller ? L'émulsion permet la pose d'empâtements extrêmement vigoureux qui ne s'effondrent ni ne craquent au séchage. En effet, amaigrie par la présence du liant aqueux, la pâte présente une consistance aérée qui la rend capable de sécher harmonieusement, même posée en forte épaisseur.
Modelés à la brosse |
Empâtements qui peuvent être remodelés tout aussitôt, si on le souhaite.
Ajout d'eau ou de liant aqueux |
Additionnée d'eau ou, mieux, de liant aqueux, la pâte à l'émulsion prend un caractère plus tirant qui accentue son grain et lui donne une apparence plus arrachée. Il est ainsi possible de varier la consistance de la touche en mouillant tout simplement la brosse de quelques gouttes d'eau. Mais, à l'inverse de la dilution qui résulte de l'ajout d'essence, l'eau contribue, ici, à l'épaississement de la pâte.
Pâte additionnée d'eau |
Cette caractéristique montre clairement que l'émulsion vénitienne est bien une émulsion "eau dans l'huile", une émulsion dite "grasse", bien que, comparativement, nettement plus maigre que le médium qui lui sert de base.
Modelés et fondus |
Et de nouveau, travail de modelés et fondus. A tout moment, la pâte, bien que saisie, peut être remobilisée. L'émulsion vénitienne, comme le médium du même nom, fournit bien des pâtes thixotropes lorsqu'on la mêle aux couleurs à l'huile.
Demi-pâte posée sous forme de frottis |
Jeu de frottis, pâtes et empâtements à l'émulsion additionnée d'eau ou de liant aqueux...
Frottis et fondus |
Fondus plus poussés |
Nouveaux empâtements généreux |
...aussitôt fondus dans la pâte environnante.
Les modelés et reprises successives jusqu'à atteindre l'apparence souhaitée ne posent aucune difficulté. Ni coulante, ni collante, la pâte se travaille au gré de l'artiste durant toute la séance de peinture.
Superposition "maigre sur gras" de touches à l'émulsion sur le dessous au médium |
Nous poursuivons par la pose, "maigre sur gras", de demi-pâtes à l'émulsion sur les premières couches obtenues au médium, procédé typique de la technique mixte. On peut remarquer le fait que la pose des touches à l'émulsion peut être obtenue quasi sans mélange avec la couche précédente, effet impossible à réaliser avec un médium uniquement huileux ou même oléo-résineux. La matière est bel et bien figée.
Effet aérien obtenu malgré la densité du blanc |
Allègement et modelé d'une touche de blanc dans le fond posé précédemment, d'où un effet opalescent particulièrement aérien.
Même effet : frottis, puis fondu opalescent |
Mélange partiel de deux touches superposées |
Cependant, si l'on souhaite non pas un effet de superposition aérien, mais un mélange plus poussé avec la sous-couche, il suffit d'insister. La pâte se fluidifie de nouveau permettant ainsi d'obtenir très facilement l'effet souhaité. Les différents tons peuvent donc s'obtenir par le mélange sur le support lui-même, plutôt que, laborieusement, au préalable, sur la palette.
Superposition d'empâtements lourds |
Travail au pinceau doux et au médium vénitien dilué |
Du plus lourd au plus léger : contraste saisissant entre, à gauche, la superposition de généreux empâtements et, à droite, un détail du travail qu'il est possible d'obtenir au pinceau doux avec un médium dilué. En effet, si le médium vénitien s'exprime particulièrement par sa fougue et la générosité de ses empâtements, il autorise aussi une très grande finesse d'exécution.
Etat en fin de séance |
Nous avons souhaité en rester là en fin de séance. Bien entendu, il serait tout à fait possible de poursuivre durant une seconde ou même une troisième séance, mais nous pensons avoir suffisamment montré la polyvalence d'utilisation du médium vénitien, particulièrement s'il est utilisé conjointement à une émulsion, selon la technique mixte. Très thixotrope, il permet une palette d'effets très variés tout en maintenant la coloration globale de l'œuvre dans un registre un peu moins saturé que ne le fait un médium flamand à la résine mastic. Cependant, plus ferme au toucher, mais moins tirant sous la brosse que ce dernier, le vénitien se modèle remarquablement bien tout en gardant visibles les traces des outils ayant servi à son application. En ce sens, il autorise un style pictural d'une remarquable franchise.
Un aspect globalement satiné |
Parallèlement, il communique à l'œuvre un rendu globalement satiné, visible sur l'image ci-contre prise en lumière rasante peu après la fin du travail. Cet aspect s'accentuera légèrement au séchage, après évaporation du diluant.
Enfin, même bien empâté, le séchage du médium vénitien interviendra en l'espace de quelques jours, guidé en profondeur par les oxydes métalliques utilisés durant la cuisson de l'huile. Il ne craint donc pas le plissement dû à un séchage "en chausson aux pommes", accident courant dès lors que l'on utilise des siccatifs de surface.
Sa durabilité est excellente. En effet, il est particulièrement souple du fait de ses ingrédients constitutifs : huile cuite à haute température, donc prépolymérisée, et cire présente en petite quantité. De ce fait, il ne craint pas les craquelures.