Atelier des Fontaines

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Forum - Sujet n°19

Sujet n°19  -  la meilleure marque de peinture ?
    -  par chris87 le 08/01/2015 - 10:08

Bonjour


Old Holland,Blockx,Leroux,Hardling,Marin,Rembrandt...peut on faire un classement qualitatif de ces peintures en fonction de leur pouvoir couvrant   et de la finesse des pigments utilisés  ?


Il s'agit d'utiliser une peinture qui ne  comporte aucun agent de charge mais juste une huile siccative  (lin ou noix de préference) et une charge pigmentaire maximale.


Enfin est ce qu'une peinture "faite maison",avec une simple molette à broyer peut soutenir la comparaison avec la meilleure des marques précitées (tjs en fonction de la finesse pigmentaire et de l'opacité)?



Réponse n° 1
    -  par ChristianVIBERT le 08/01/2015 - 21:28

Bonjour à vous,

Les années 1840, en Angleterre, marquent les débuts de la peinture artistique conditionnée sous forme de tubes souples. Depuis, les matériaux pour artistes peintres ont peu à peu, et de plus en plus, échappé au contrôle des artistes eux-mêmes pour passer entre les mains (ou plutôt les machines) des industriels, même si certains d'entre eux, par exemple Leroux, continuent à œuvrer dans un esprit proche de l'artisanat. Mais est-ce au bénéfice des artistes ou non ? La peinture proposée est-elle, depuis, de meilleure qualité ou non ? Vaste question à laquelle nous allons essayer de répondre de la manière la plus succincte possible.

Il faut tout de suite préciser que les motivations de l'artiste et de l'industriel ne sont pas de même nature. Le premier désire un produit le plus durable et le plus adapté à son travail, cependant au prix d'un effort et d'une perte de temps réduits au minimum. Le second envisage les bénéfices financiers qu'il pourra tirer de sa production. D'un côté, la qualité et la facilité de manipulation sont les critères primordiaux ; de l'autre, l'aspect économique et financier est le moteur de la démarche.

Ces deux points de vue peuvent se rejoindre, l'industriel décidant de produire la meilleure peinture possible de manière à faire pencher le choix de l'artiste pour sa production et à s'assurer sa fidélité ; l'artiste reconnaissant la qualité du produit et acceptant d'en payer le prix eu égard au fait que l'industriel lui facilite grandement le travail. En effet, si, autrefois, les ateliers des Maîtres accueillaient de nombreux apprentis, ce n'était pas a priori seulement pour leur apprendre le Métier, mais avant tout pour qu'ils assument la lourde tâche de préparer les matériaux !

Cette vision idyllique n'est malheureusement pas toujours au rendez-vous... On peut commencer par se demander pourquoi la plupart des marques proposent plusieurs lignes de produits : peintures "études", "fines", extra-fines", etc. Les différences tiennent à plusieurs paramètres : nature des pigments, déjà. Une "extra-fine" proposera un jaune de cadmium véritable, par exemple, quand une "fine" se suffira d'un jaune azoïque, de même puissance colorante, mais nettement moins fixe à la lumière. La concentration pigmentaire est le second paramètre sur lequel les industriels peuvent jouer. Là où une "extra-fine" contiendra le minimum de liant pour le maximum de pigments, une "étude" sera chargée au moyen d'additifs neutres (talc, craie, silice pyrogénée, silicate ou stéarate d'aluminium...) qui, sans modifier nettement la coloration de la pâte, vont, en absorbant une quantité de liant importante, faire gonfler le volume obtenu, d'où un prix de revient moindre. La contrepartie sera la perte d'opacité.

Un autre point à évoquer tient au liant utilisé. Là où l'artiste souhaiterait une pâte demeurant souple durant toute sa séance de travail, mais ensuite, séchant rapidement, l'industriel préférera avant tout une peinture ne risquant pas de sécher dans le tube lui-même, au risque de perdre sa production avant même qu'elle soit commercialisée. Et tant pis si la pâte, une fois sur la toile, met des semaines à sécher... Concrètement, l'artiste donnera la préférence, par exemple à l'huile de lin ou de noix, quand l'industriel choisira l'œillette ou le carthame.

Ceci étant, chaque pigment, du fait de sa nature, présente un comportement différent. Si donc on souhaite obtenir des pâtes les plus homogènes possible sous la brosse, ni coulantes, ni granuleuses, siccativant à des vitesses relativement proches de manière à éviter les accidents du type embus ou craquelures, il est souvent nécessaire de jouer subtilement de certains additifs. Une peinture chargée n'est donc pas toujours un produit de qualité médiocre. Ainsi, nombre de pigments organiques modernes, par exemple les bleus et les verts phtalocyanine, envahissants du fait d'une puissance de coloration excessive, nécessitent une dose minimale de charge. D'autres, coulants par nature, tel le bleu outremer, ne peuvent se tenir en pâte sans être additivés.

C'est au regard de ces points de vue, souvent antagonistes, qu'il faut examiner les produits proposés par les différents fabricants cités. Précisons tout de suite que nous ne les avons pas tous essayés ! Cependant, 40 années d'expérience nous ont quand même permis de nous faire une petite idée sur la question. A noter que, sous le critère "réputation", nous ne formulons pas notre avis, mais celui que nous avons le plus souvent partagé lors de nos échanges avec d'autres peintres.

(Voir la suite plus bas)



Réponse n° 2
    -  par ChristianVIBERT le 08/01/2015 - 21:35

(Suite)

 

Old Holland :
- Bonne renommée
- Huile de lin, donc liant séchant bien, mais jaunissant principalement avec les bleus et les blancs
- Pigments de qualité
- Concentration pigmentaire annoncée comme maximale, mais nous n'en avons pas toujours été pleinement convaincu. La pâte paraît très ferme, mais cette épaisseur ne serait-elle pas obtenue de manière quelque peu artificielle ?
- Prix élevé

Blockx :
- Excellente renommée
- Huile d'œillette principalement, peu jaunissante, mais séchant très lentement et offrant un film final souvent gommeux
- Pigments de qualité
- Charges minimales
- Prix en conséquence

Leroux :
- Excellente renommée, bien que fabricant peu connu, sauf parmi les professionnels, du fait d'une distribution en vente directe
- Essentiellement huile de lin (même remarque que pour Old Holland)
- Pigments de qualité
- Charges minimales pour les qualités **** et ***
- Bon rapport qualité/prix

Michael Harding :
- Peu connu en France
- Nous n'avons essayé que le blanc d'argent à l'huile de noix, qui nous a déçu (jaunissement plus important même qu'un blanc broyé à l'huile de lin) !

Marin :
- Nous n'avons pas essayé ses couleurs
- Prix raisonnables

Talens Rembrandt :
- Bonne réputation
- Huile de carthame peu jaunissante, séchant très lentement, mais offrant un film final de meilleure qualité que l'huile d'œillette ; huile de lin quand le jaunissement n'est pas à craindre
- Pigments de qualité
- Charges modérées, mais pâtes souvent un peu molles
- Prix moyens

Lefranc et Bourgeois :
- Ne s'intéresser qu'à la qualité "extra-fine"
- Réputation variable
- Mêmes choix de liants que Talens
- Pigments de qualité
- Charges modérées, mais pâtes parfois trop huileuses (à faire dégorger sur un papier avant usage)
- Prix moyens

Parmi tous ces fabricants sérieux et considérés avec raison comme fiables, on le constate, chacun montre des points forts et des points faibles. Un choix tranché et définitif est donc difficile.

Il reste un paramètre qui va nous permettre d'aborder la question du broyage (ou plutôt de l'empâtement) manuel à la molette, par l'artiste lui-même : la finesse de la pâte obtenue. Il est évident qu'opérer à l'aide d'une machine professionnelle tricylindre permet d'obtenir des pâtes bien plus fines que par un procédé manuel, et surtout, bien plus rapidement. C'est aussi pour cette raison que l'immense majorité des artistes ont délaissé le broyage artisanal, préférant la facilité de l'achat en boutique, dorénavant, et de plus en plus, via Internet.

Ceci étant, est-ce bien utile de travailler avec des pâtes si finement broyées ? De nos jours, les poudres pigmentaires sont déjà réduites à un état d'extrême finesse. C'est d'ailleurs pourquoi le terme "broyage" n'est plus guère pertinent. Un travail minimal de la pâte est cependant nécessaire, au moins pour être sûr qu'il ne demeure pas d'amas pigmentaires non enrobés de liant. L'empâtement sommaire au couteau à palette, suivi d'un bon broyage à la molette est donc à envisager, mais sans pousser l'exigence outre mesure. En effet, les examens d'œuvres anciennes ont montré que les pâtes des Anciens n'étaient pas toujours broyées si finement que cela, en particulier les terres et les blancs. Au contraire, ces pâtes présentent souvent une légère granulation qui leur donne une présence particulière. Seuls les laques et les pigments utilisés pour la pose des glacis montrent une finesse équivalente à nos pâtes modernes broyées à la machine. Pour ce faire, un broyage manuel fastidieux a sans nul doute été nécessaire : la transparence et la limpidité des glacis à obtenir étaient à ce prix, contrastant précisément avec des pâtes et demi-pâtes d'aspect moins précieux.

Que faire de ce constat nous concernant ?
- Qu'il n'est peut-être pas utile, même pour notre usage artistique, de disposer de pigments si finement broyés ;
- Que se satisfaire d'un broyage manuel correct est très généralement suffisant pour la plupart des usages que nous en avons ;
- Que, par ce moyen, il est possible de faire de sérieuses économies ;
- Que, si l'on veut cependant ne pas passer un temps considérable à broyer des couleurs, il suffit de faire le choix de ne travailler soi-même que les pigments de base, terres et blancs essentiellement, réservant les achats de produits industriels uniquement pour les pigments onéreux, utilisés seulement en final et en quantité réduite, qui, eux, demandent un broyage extrêmement fin.

Dernier point, et non des moindres, broyant ses propres couleurs, l'artiste a la possibilité de choisir lui-même ses liants, en connaissance de cause, de les moduler en fonction de ce qu'il en attend et au fur et à mesure de l'avancement de son travail. Par ce choix, essentiel, il redevient vraiment maître de ses matériaux. Par la même occasion, et parce qu'il sait enfin, vraiment, de quoi se composent ses pâtes, il devient alors possible de parler de concentration pigmentaire maximale, l'adjonction de charges intervenant, non pour raison économique, mais lorsque, techniquement, il est impossible de s'en dispenser.

Cordialement,

Christian VIBERT



Réponse n° 3
    -  par EgillAmuu le 05/11/2022 - 19:57

Bonsoir,

 

voici une video assez intéressante sur des tests de différentes marque de peinture.
C'est en espagnol, mais on peut comprendre avec les sous titres en français.

 

Qu'en pensez vous?
 



Réponse n° 4
    -  par ChristianVIBERT le 13/11/2022 - 18:04

Bonsoir Guillaume,

 

Je ne vois pas de tests dans cette vidéo, seulement une discussion entre trois protagonistes...

 

Concernant les informations délivrées, certaines sont exactes, sur l'intérêt du plomb dans la pâte picturale, par exemple, et quelle qu'en soit la forme (blanc de plomb, huile cuite à la litharge, etc.) ; d'autres, non, en particulier sur le fait que les couleurs Rembrandt (Talens) ne seraient pas préparées à l'huile de carthame. Il suffit d'aller sur le site de la marque pour constater que nombre de leurs couleurs sont bien préparées avec cette huile ! Ce qui, en soi, n'a rien de problématique à la condition de les associer à un bon médium ou à une bonne émulsion à l'huile de lin ou de noix. Cet ajout améliorera leur siccativité et contribuera à leur résistance.

 

Par ailleurs, si l'idéal serait de ne trouver que de l'huile et du pigment dans un tube de couleur, certains pigments nécessitent, néanmoins, un minimum d'additifs pour que la pâte obtenue soit agréable sous la brosse. Le cas le plus typique est celui de l'outremer. Sans un épaississant bien choisi, la pâte n'a aucune tenue.

 

Maintenant, il est certain que le choix d'une marque de couleurs extrafines s'impose à qui souhaite œuvrer avec plaisir et avoir l'assurance que ses couleurs ne le trahiront pas. Et même si l'on débute ! Comment, en effet, espérer apprendre le violon avec un instrument mal conçu ? Il en est de même avec des pâtes picturales préparées avec une quantité minimale de pigments, surchargées d'épaississants divers, et de fixité médiocre à la lumière.

 

Cependant, même si les couleurs choisies sont de qualité, envisager de pouvoir peindre uniquement avec la pâte sortie du tube, comme le soutient la jeune femme, c'est le retour à la matière picturale impressionniste, à ses limites et défauts caractéristiques. Entre la pâte de Monet et celle de Rubens, me concernant, le choix est vite fait !

 

Bien cordialement,

 

Christian VIBERT



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