Atelier des Fontaines

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Forum - Sujet n°73

Sujet n°73  -  Utiliser un médium flamand Atelier des Fontaines
    -  par ChristianVIBERT le 15/04/2018 - 12:32

"Bonsoir Monsieur,"

 

Bonjour à vous (correspondant non nommé par respect de la vie privée),

 

"Je suis artisan en région lyonnaise, ébéniste de métier, aujourd'hui à mon compte en tant que parqueteur et marqueteur. J'ai également eu le plaisir de multiplier les expériences en design textile ( gouache sur papier ) dans la plus pure tradition des ateliers lyonnais. Ce petit préambule vous éclairera sur le rapport que j'entretiens avec la peinture, ma principale passion à ce jour ; j'ai découvert la peinture à l'huile il y a cinq ou six ans de cela, presque par hasard... et il est certain que ma pratique débutante de ce moyen d'expression ne saurait se dispenser de sa dimension artisanale : comme vous le savez sans doute bien mieux que moi, à Rome au XVII ème, la peinture est un métier qui s'apprend en atelier. Bien que l'art contemporain se soit clairement affranchi, le plus souvent, de la maîtrise exigée par cette discipline, je ne me résigne pas à me priver du plaisir que j'ai à peindre dans le souci d'une exécution que j'espère la meilleure possible. Si la maîtrise est encore une utopie pour moi, j'aspire à ouvrir le champ des possibles en matière de subtilités techniques. Et surtout, je me sens frustré d'être en bute à de réelles difficultés d'ordre purement technique, faute de connaissances structurées."

 

En effet, jusqu'à la fin du XIXème siècle, on pouvait dire qu'il existait encore un enseignement du métier d'artiste peintre. Ce métier était enseigné dans les académies et écoles d'art. Même si son contenu avait considérablement évolué depuis la disparition des grands ateliers en Flandres, à la fin du XVIIème siècle, et à celle des corporations comme suite de la Révolution française chez nous, cet enseignement avait au moins le mérite d'être. Depuis, effectivement, l'enseignement de la peinture a globalement disparu, en particulier en France. Un petit sursaut peut-être, depuis quelques années...

 

"Je m'adresse à vous aujourd'hui pour plusieurs raisons: la plus simple d'entre elles est que je vous ai commandé il y a un an du médium flamand dont l'emploi a changé ma façon d'aborder la peinture."

 

Oui, un médium flamand en version onctueuse. Je vous remercie de votre appréciation. Il est vrai que l'usage de ces médiums apporte des qualités exceptionnelles à la pâte picturale.

 

"On peut dire en quelque sorte que ma joie de peindre s'en est trouvée augmentée en même temps que les difficultés que je rencontre ! Je précise que dans le même mouvement, je me suis mis à travailler avec les magnifiques mais difficiles pâtes de chez Blockx."

 

Difficiles ? Pour quelle raison ?

 

"J'ai lu attentivement certains articles publiés dans votre site, ce qui m'incline à penser que je m'adresse à la bonne personne, bien qu'il ne m'ait pas échappé que vous étiez réticent - pour des raisons que je comprends fort bien du reste - à l'idée de dispenser des conseils à distance, sans montrer les bons gestes en direct."

 

Durant mes premières années de pratique picturale, je travaillais uniquement à partir d'ouvrages techniques parcourus d'abord en bibliothèque, puis glanés dans le commerce. Malgré ces conseils, j'étais toujours confronté à de réelles difficultés, jusqu'au jour où j'ai eu l'occasion, à l'Ecole des beaux-arts de Paris, de croiser Nicolas Wacker, professeur de techniques de la peinture dans cette école. Je l'ai vu travailler par deux fois. Ces démonstrations ont été une révélation ! J'ai compris ce derrière quoi je courais depuis plusieurs années. Ceci pour dire que, même si les ouvrages techniques ont leur intérêt, le vécu en situation est irremplaçable.

 

"Je me permets cependant de souligner le fait qu'étant sur Lyon, et vous en Basse Normandie, mes moyens ne me permettent pas à ce jour de profiter de vos stages à l'atelier des fontaines, à mon grand regret. Si l'obstacle géographique ne se posait pas, je ne vous aurais pas écrit autrement que pour m'y inscrire."

 

Ceci étant, certains stagiaires font le déplacement depuis la Belgique et même la Suisse...

 

"Actuellement, je me trouve devant différentes difficultés que je ne parviens pas à surmonter, sans doute par un emploi inapproprié du médium flamand, parmi lesquelles mon incapacité à poser une couche unie et homogène, sans que le pigment - notamment la terre de Cassel - ne se regroupe " en îlots " , donnant à la couche un aspect marbré désagréable et rendant le travail des ombres poussif."

 

A la différence des enseignes commerciales qui délivrent un produit avec, au mieux, deux ou trois lignes d'explication, je fournis, pour la commande du médium flamand, un mode d'emploi de six pages. De plus, si la commande consiste non pas en la présentation standard en tube, mais en flacons séparés d'huile cuite et vernis, j'y ajoute un supplément de cinq pages expliquant comment doser ces deux composants afin d'obtenir des effets variés. Je ne peux que difficilement faire mieux.

 

Très concrètement, il faudrait avoir le travail sous les yeux pour envisager tous les paramètres de mise en œuvre, en particulier la nature et la structure de votre support et de votre enduit, la dilution du médium employée, la manière de le manipuler, etc. Ce n'est pas un mail qui me permettrait de répondre à votre questionnement.

 

"En outre, si la première couche se passe relativement bien en dépit de ces difficultés, les couches suivantes sont plus difficiles : il arrive que le second ou le troisième passage, après siccativation complète de la couche précédente, n'adhère pas , comme si je passais une éponge humide sur une plaque de verre grasse. J'utilise pourtant le médium flamand additionné d'huile de lin cuite : ce n'est pas un mélange " maigre ".

 

Sauf usage particulier, l'addition d'huile au médium n'est pas utile. Il en contient déjà largement. D'où le fait que vos couches précédentes finissent par créer un fond imperméable sur lequel les couches suivantes ont du mal à adhérer.

 

"Pourriez vous me conseiller sur la meilleure façon de tirer parti du médium selon le stade de l'avancement du travail ? Avec quoi le mélanger et en quelles proportions ?"

 

Avez-vous parcouru le mode d'emploi ? Tous les conseils de dosage et mélange y sont donnés.

 

Maintenant, comme je le dis dans la page "ATP : genèse et chronologie" : "L'un de nos amis, artiste de talent, m'enjoignait de lancer un atelier de pratique artistique. Son raisonnement était le suivant : un mode d'emploi, même très complet comme ceux que propose l'Atelier des Fontaines pour accompagner ses médiums, ne suffit pas pour permettre l'emploi judicieux d'un produit, quelles que soient ses qualités ; il faut avoir déjà assimilé certains principes présidant à la mise en place cohérente d'un tableau : compréhension de l'opposition radicale entre l'ombre et la lumière, tant au niveau de la matière que de la couleur ou de l'écriture ; moyens d'expression de l'espace, encore appelée "perspective atmosphérique" ; et, sur le plan strictement technique, usage pertinent des matériaux. Que dire encore de la préparation des supports, des encollages, des enduits, de toutes ces pratiques ancestrales qui faisaient de la peinture artistique un métier à part entière ? La mainmise de l'industrie sur la fabrication et la commercialisation des produits à destination des artistes, à partir du milieu du XIXème siècle, poussée à l'extrême depuis les années 50 avec le développement de la peinture comme moyen d'expression, non plus comme profession, a quasiment tout balayé. Rares sont ceux qui en connaissent encore les recettes et, surtout, la mise en œuvre pertinente. L'idée était donc là : au-delà de la mise à disposition des médiums, il fallait proposer des cours et des stages en permettant un usage raisonné."

 

Comme vous l'avez parfaitement indiqué, et je le redis, rien ne remplace le vécu.

 

"D'autre part, et c'est là une difficulté d'ordre plus subjective, si je me sens relativement à l'aise dans l'exercice des drapés , je suis en revanche assez démuni pour les rendus de la chair : cela rejoint en partie ce que je viens de vous exposer dans le précédent paragraphe, car la chair représentée telle que je le voudrais demande des modelés délicats et parfaitement fondus, les glacis successifs devant créer un ensemble harmonieux. Je n'ai pas à ce jour trouvé la bonne manière d'aborder un portrait : quels pigments utiliser et dans quel ordre ?"

 

Votre question n'a pas, a priori, de réponse. Tous les pigments peuvent être utilisés. Delacroix affirmait bien : "Donnez-moi de la boue et je vous ferai une peau de Vénus". Tout dépend de la couleur locale de la peau en question, de l'environnement et de la lumière.

 

Quant au fait de procéder uniquement par glacis, ce n'est certainement pas la solution la plus facile à mettre en œuvre.

 

"J'ignore si ma requête est excessive ou maladroite mais j'aurais aimé vous demander conseil à ce sujet, cherchant à prendre appui sur quelques bases solides, artisanalement éprouvées, et qui me permettraient de m'affiner avec le temps..."

 

Mon meilleur conseil serait d'adopter la technique mixte, basée sur l'utilisation conjointe d'un médium et d'une émulsion, dont je parle abondamment, entre autres sur les modes d'emploi. Vous découvririez une manière d'appréhender la peinture autrement riche que celle que vous pratiquez, gras sur maigre. En particulier, elle résoudrait le problème de perte d'adhérence que vous rencontrez dans la superposition de vos couches grasses. Bien que cela puisse faire hurler la plupart des peintres et techniciens défenseurs de la pseudo orthodoxie du "gras sur maigre", avec cette technique, on peint "maigre sur gras" et cela fonctionne parfaitement ! Je peins sans problème ainsi depuis 45 ans ! Un exemple : Rembrandt n'aurait pu faire du Rembrandt sans cette manière de travailler.

 

"J'espère ne pas vous embarrasser avec cette demande..."

 

Que vous dire ? Si vous le pouvez, je peux organiser un stage de deux jours : "Utiliser quelques médiums traditionnels pour la peinture à l’huile : la technique mixte", du samedi 21 au dimanche 22 juillet. Si un minimum de deux stagiaires est réuni, le stage pourrait avoir lieu.

 

Bien cordialement,

 

Christian VIBERT



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