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Forum - Sujet n°133

Sujet n°133  -  La science et l'art ne font-ils qu'un ?
    -  par Delac4 le 31/05/2021 - 11:02

"La science et l'art ne font qu'un semble t-il ;)"
 

En réponse à cette affirmation, précisons un peu, Christel.

 

Même si, à l'évidence, la science et l'art évoluent dans deux domaines fort différents, ne serait-ce parce que l'art vise prioritairement à émouvoir, à jouer sur la sensibilité, alors que la science se doit, au contraire, de développer une attitude la plus objective possible, il est par contre essentiel que ces deux aspects typiques de l'activité humaine travaillent, en effet, de concert. Car, si l'art peut, effectivement, exister sans racine scientifique - les différents aspects des arts dits "primitifs" ou "premiers" le prouvent -, il ne donne sa pleine mesure qu'en s'appuyant sur les découvertes de la science et l'apport cumulé de l'expérience des générations antérieures. Toute forme artistique à son apogée le prouve.

 

La sculpture grecque n'a pu se développer que par un examen approfondi de la morphologie humaine, de sa structure et de ses proportions, et cette conquête s'est faite petit à petit, sur au moins quatre siècles. De même, Léonard, Michel-Ange et Raphaël n'ont pu donner leur pleine mesure que parce que plusieurs générations d'artistes les avaient précédés, durant les 13ème et 14ème siècles, développant la perspective, les techniques à l'huile et redécouvrant le savoir de l'Antiquité gréco-romaine. Et ne parlons pas de Rubens, de van Dyck, de la peinture baroque en général. Sans l'apport conjugué des prédécesseurs flamands et vénitiens, ce sommet des techniques à l'huile n'aurait jamais existé.

 

C'est bien dans les périodes où l'art et la science ont travaillé de concert que l'art a pu atteindre ces sommets et que son influence a été la plus durable. Que dire, alors, de notre art contemporain, du moins celui que les instances officielles promeuvent et dont la spéculation mondialisée se dispute la production à coup de centaines de milliers de dollars ? Sans aucune racine que le désir dûment intéressé de produire du nouveau pour du nouveau, histoire de provoquer le "buzz" comme on dit aujourd'hui, il a donné naissance à une attitude mentale qui amène à accepter et valoriser tout et n'importe quoi, au mépris, souvent, du plus élémentaire bon sens. Et quand on ose ne pas suivre, on se voit taxé de rétrograde, de sectaire, que sais-je ?

 

Pour en revenir au sujet principal du site "Atelier des Fontaines", si les techniques traditionnelles de la peinture à l'huile ont pu renaître dans les années 1950-60, c'est bien parce que quelques scientifiques, dont Marc Havel, se sont attelés à cette résurrection. Sans eux, nous, pauvres artistes, en serions restés aux médiocres moyens de la peinture de la fin du XIXème siècle et de la première moitié du XXème...

 

Christian VIBERT



Réponse n° 1
    -  par Delac4 le 31/05/2021 - 18:38

(suite)

 

Poursuivons par le point de vue complémentaire. Si l'art, pour atteindre son plein épanouissement, ne peut se passer de l'apport scientifique, l'inverse est aussi vrai.

 

Donnons au mot "art" un sens général : toutes les activités visant à un résultat formel et parvenues à un niveau d'excellence peuvent être regroupées sous ce vocable (au passage, on notera que l'absence de ce critère de qualité exclut précisément une grande partie de la production plastique contemporaine de la catégorie artistique !). Ainsi parle-t-on, bien évidemment, de tous les arts à visée esthétique ou émotionnelle, mais aussi de l'art culinaire, de la médecine comme de l'art de soigner, ou d'un avocat comme d'un artiste de la parole, etc.

 

En ce sens, les arts sont, eux aussi, indispensables à la science. Ils permettent de lui donner un sens, une orientation. Sans application concrète, la recherche scientifique tournerait à vide. C'est bien parce que l'homme cherche à obtenir des résultats objectifs de plus en plus raffinés et performants qu'il attelle la science à en découvrir les principes, les lois sous-jacentes et les moyens. Même les sciences fondamentales finissent, tôt ou tard, par déboucher sur des applications concrètes. Si ce n'était pas le cas, si elles conduisaient à des impasses, on les abandonnerait, ne serait-ce parce que plus personne ne voudrait les financer.

 

Il est donc clair que, si l'art et la science se différencient bien par leurs objectifs, leurs moyens et leurs procédures, ils doivent travailler main dans la main. C'est à cette condition qu'ils peuvent faire sens et œuvrer au mieux-être de l'humanité.

 

Et si une certaine science, actuellement, ne fait plus l'unanimité - citons la chimie, par exemple -, si elle n'entretient plus l'espoir d'un monde toujours meilleur comme elle pouvait encore le laisser croire il y a une cinquantaine d'années, c'est bien parce que les applications qu'elle autorise font planer un doute sur le bénéfice envisagé. De même, si les arts plastiques contemporains laissent indifférents une très grande majorité de personnes - même si elles ne l'affirment pas toujours haut et fort pour ne pas subir les moqueries apitoyées des "initiés" - la cause première vient de la coupure qu'ils ont opérée avec l'observation, la saine logique, le bon sens, toutes caractéristiques à la racine de l'attitude scientifique.

 

Il en est de même de la notion de progrès, elle aussi typique de l'attitude scientifique. Tout scientifique appuie son travail sur les acquis de ses prédécesseurs. Concernant l'art, cette même notion a été contestée. Peut-on dire, par exemple, que les dessins de Picasso seraient un progrès au regard des chevaux de la grotte Chauvet ? Plusieurs dizaines de milliers d'années les séparent sans que l'on puisse affirmer que les uns seraient supérieurs aux autres.

 

Cependant, le fait de récuser cette idée de progrès a amené à accepter tout et n'importe quoi. Chaque proposition artistique existerait par elle-même et aurait sa place au même titre qu'une autre. Ainsi, le critère qualitatif, cité au début de ce texte, a-t-il disparu de nos jours : la banane scotchée à un mur de Maurizio Cattelan, acte "artistique" dénué de tout ancrage, sans racine, par sa gratuité même, acquiert autant de valeur et même plus (vendue 120 000 dollars selon lemonde.fr) qu'une excellente toile de l'atelier de Rubens, résultat de la lente maturation d'un métier multiséculaire (en moyenne entre 20 000 et 50 000 euros selon le site lesechos.fr).

 

Pour finir, revenons aux techniques de la peinture. La dégradation accélérée de nombre de travaux picturaux récents, à peine sortis des mains des pseudo-professionnels, est la preuve évidente de l'ignorance de leurs producteurs - je n'ose les appeler "artistes" - des bases même d'un métier qu'ils seraient censés posséder. Déconnectés des bases techniques, donc des racines scientifiques de l'activité qu'ils pratiquent, ils peignent au hasard, se moquant bien des conséquences de leurs actions. L'avantage : cela donne du travail aux restaurateurs ! N'importe quel peintre en bâtiment en sait plus sur la pratique de la peinture que ces champions des salles de vente...

 

Christian VIBERT



Réponse n° 2
    -  par Christel le 02/06/2021 - 08:06

Beau développement.

Je pense aussi qu'il s'agit de notions distinctes avec une quête supérieure commune, œuvrer au mieux-être de l'humanité comme tu l'as mentionné et peut-être même au delà, tendre à une harmonie universelle.

Pour le moins, l'apport des deux parties amène un équilibre et une stabilité qui est déjà perceptible et très appréciable au quotidien.

En tout les cas, l'un ne va pas sans l'autre tout comme un cerveau humain est composé d'un cerveau droit et d'un cerveau gauche, tout comme le ying et le yang, la lumière et l'obscurité... On dirait bien que  l'unité est dans l'apparent paradoxe des contraires.e 


Christel.



Réponse n° 3
    -  par Delac4 le 11/06/2021 - 11:21

Je poursuis mon mail précédent.

 

Citant la banane scotchée à un mur de Maurizio Cattelan comme un exemple du dévoiement d'une certaine forme d'art contemporain, je pensais avoir été suffisamment explicite. L'actualité du monde artistique vient de nous montrer que j'étais en dessous de la réalité. Voici que Salvatore Garau, "artiste" italien, va si loin que l'on se demande ce que l'on pourra faire de plus pour illustrer l'inanité de l'art contemporain. Avec sa sculpture invisible, ce rien du tout mis en scène à l'aide d'un discours conceptuel et à grand renfort de références pseudo-scientifiques, sa sculpture "Io Sono", vendue aux enchères 15 000 euros, montre une nouvelle fois, s'il en était besoin, que cette forme d'art n'est pas autre chose qu'une pure arnaque.

 

Concernant l'acheteur, en supposant qu'il se considère comme féru d'art contemporain, sinon, il n'aurait pas effectué cette transaction, il me semble qu'il ne l'est pas vraiment. S'il l'était, il aurait dû répondre sur le même plan : payer via une transaction fantôme. Alors, la mystification aurait été complète !

 

Bansky est un autre acteur de la mise en scène burlesque que constitue l'art contemporain, du moins si elle ne brassait pas des millions. Il avait déjà fait fort en vendant près d'1,2 million d'euros, une œuvre qui s'est autodétruite au moment même où le commissaire priseur validait la transaction... ce qui en a automatiquement fait grimper la cote !

 

Voilà que son exposition récente à Londres fait tout aussi fort. Sa dernière œuvre en date, vendue plus de 750 000 dollars, affiche : "Je ne peux pas croire que vous achetiez cette merde, bande de crétins". Mais il n'hésite pas à encaisser la somme correspondante... A sa décharge, il ose affirmer sa position en écrivant sur un mur : "Le monde de l'art est la plus grosse blague qui soit. C'est une maison de repos pour les privilégiés, les prétentieux et les faibles." On ne peut qu'acquiescer à cette déclaration !

 

Christian VIBERT



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