Atelier des Fontaines

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Forum - Sujet n°115

Sujet n°115  -  Le papier pour les esquisses
    -  par yoann le 03/09/2020 - 16:42

Bonjour à tous,

J'observe en ce moment des esquisses au fusain, à la pointe de métal ou au pastel... Il s'agit d’œuvres d'anciens maîtres et toutes semblent être réalisées sur des papiers préparés, des mi-teintes évidement.

Je voudrais préparer mes propres papiers si possible pour éviter de me ruiner en magasin.

Alors je me suis lancé cet après-midi dans une préparation " maison " d'un mi-teinte, sur papier 250gr. J'ai réalisé un mélange de peinture acrylique (tube) de 2 vol auquel j'ai ajouté à peu près 1 vol de liant acrylique (pour limiter le côté humide donné que par de l'eau) et auxquels j'ai ajouté de l'eau, suffisamment pour dilué la teinte. J'ai appliqué ce mélange très liquide sur la feuille et je vous le donne en mille, elle gondole... J'aimerais éviter de maroufler le papier, pour économiser du temps tout simplement. Ces esquisses, si j'en réalise beaucoup dans une démarche d'étude, réclameront pas mal de feuilles.

A votre avis k merci !



Réponse n° 1
    -  par Yoann le 06/03/2021 - 10:13

Je vous partage cet extrait d'un mémoire consacré aux matériaux et aux instruments du dessin à la Renaissance. Il éclaire quelque peu ma recherche.

Lien du mémoire (PDF)


Papier teinté – Les artistes ont la possibilité de teindre eux-mêmes le papier blanc selon deux méthodes : la méthode « sèche » ou la méthode « humide ». Les préparations sèches sont les plus anciennes et ne survivent guère au 15e siècle. Elles consistent en un frottis de craie blanche, de céruse, de pierre ponce, de poudre d’os ou de sandaraque sur le parchemin et les premiers papiers. Toutes ces substances, sauf la sandaraque, absorbent les résidus de gras animal du parchemin et en bouchent grossièrement les pores, de même que celles du papier. Ainsi préparés, ceux-ci conviennent tant pour la pointe de plomb que pour l’encre dont la poudre prévient la diffusion du trait. Selon Meder, la sandaraque ne prépare les subjectiles que pour la pointe de plomb.

Les moines, les scribes et les artisans du Moyen Âge utilisent tous ces préparations rudimentaires qui sont néanmoins finalement abandonnées parce que les particules de poudre obstruent le conduit des plumes et que les premiers papiers mous requièrent une préparation qui leur donne plus de corps et une surface plus uniforme. La méthode humide est un lavis d'encre diluée, d’aquarelle, de bistre, de terre d’ombre, d’ocre, de cinabre ou de poudre de sanguine étendu à l’aide d’une éponge ou d’un pinceau; de cette façon, un seul côté de la feuille est badigeonné. Une autre technique consiste à plonger la feuille au complet dans l’eau colorée et les deux côtés en ressortent teintés. Les papiers ainsi préparés se trouvent aujourd’hui, dans la majorité des cas, dans des carnets de modèles ou de croquis démembrés; tel est le cas des études de Pisanello dont on connaît l’envergure par le Codex Vallardi du Louvre. Les manipulations des dessins et les altérations pouvant avoir eu lieu au cours des siècles empêchent souvent de déterminer à l’oeil nu si l’artiste a utilisé une préparation sèche ou une préparation humide, comme dans le cas du Mariage mystique de sainte Catherine du Parmesan. Grâce aux technologies actuelles, l’examen du dessin permet aisément de trancher cette question.
Papier apprêté – Un des apprêts décrits par Cennini consiste à délayer la craie, la poudre d’os ou le blanc de plomb avec de la colle de peaux en respectant bien les proportions : trop peu de colle, la préparation s’effrite sous la pointe; trop de colle, le papier devient dur et luisant et la pointe glisse sans s’y inscrire. Il donne la recette de sa colle : « Prends un morceau de colle des apothicaires [colle de peaux], non de la colle de poisson, mets-le dans une petite marmite pour mollir dans deux verres d’eau claire et nette pendant six heures. Puis mets cette marmite à feu doux, et écume quand elle bout.
Quand elle a bouilli un peu et que la colle est bien étendue, passe-la deux fois. » La colle est alors mixée avec de la craie ou de la poudre d’os, puis étalée sur la feuille de papier avec une grosse brosse souple, légèrement, dans un sens et dans l’autre. La poudre d’os, un phosphate ou un carbonate de calcium, est obtenue à partir d’os calcinés de divers animaux. Les os doivent être cuits au four jusqu’à ce qu’ils deviennent blancs et friables. Ils sont ensuite réduits en poudre en les broyant avec un peu d’eau. Cette opération est longue et fastidieuse. Selon Cennini, il faut deux bonnes heures pour pulvériser un seul os calciné. Cette poudre, à laquelle on peut ou non ajouter du blanc de plomb, est ensuite délayée dans de l’eau gommée ou une solution de gomme arabique. Procédant à des expériences, Watrous souligne que la poudre d’os se disperse mal dans les liquides, ayant tendance à sombrer comme des grains de sable et à s’amonceler lorsque la pâte est étendue sur le support. Quoi qu’il en soit, l’apprêt à la poudre d’os donne une surface rugueuse et inégale et doit être poncé mais non au point de le satiner, ce qui le rendrait inapte à accepter le trait du style. Peut-être parce que même brunie, cette surface demeure imparfaite, Cennini conseille d’y superposer une couche au blanc de plomb afin de la rendre plus réceptive.
Le nombre de couches d’apprêt, appliquées au pinceau, varie de une à neuf selon les auteurs. Chaque couche, très mince, doit être parfaitement sèche avant de recevoir la suivante et la totalité des couches doit idéalement avoir une épaisseur minimale, mais suffisante pour cacher la structure du subjectile. Certains artistes négligent parfois cette précaution, si bien que, dans quelques dessins, l’apprêt cache mal le grain du papier comme dans Une Sainte de profil à droite de Filippino Lippi ou des esquisses antérieures comme dans l’Ange musicien de Pérugin.



Réponse n° 2
    -  par Yoann le 08/03/2021 - 07:55

 -suite-
[...] Il est manifeste qu’une seule couche d’apprêt n’a pas un pouvoir couvrant suffisant. Les carnets nous en fournissent de bons exemples. Dans l’album du Louvre de Bellini, les motifs des vieux patrons de manufactures de tissage datant du 14e siècle qu’il récupère sont parfois visibles, ici et là, à travers l’enduit. L’apprêt n’est pas toujours non plus étalé avec minutie : dans la Tête de saint Marc de Dürer du Staatliche Museen de Berlin et le Portrait féminin de Ghirlandaio  des Offices, de grands coups de pinceau balafrent souvent les surfaces. Faut-il accuser les artistes de négligence? À coup sûr non, pour deux raisons. Tout d’abord, ces vilains coups de pinceau qui défigurent aujourd’hui ces dessins étaient assurément moins visibles à l’origine; l’oxydation les aura fait ressortir. Par ailleurs, il convient de garder à l’esprit que tous les dessins, que nous conservons comme de précieuses reliques, n’étaient souvent pour les artistes que des « brouillons » de travail ou des exercices qui rejoignaient, plus souvent que moins à cette époque, les rebus d’atelier. En général, le début de la Renaissance, les artistes ont tendance à appliquer des couches plus nombreuses, tandis que ceux de la seconde moitié du 15e siècle les allègent de plus en plus, à la limite du minimum nécessaire. Et Meder a raison d’écrire : « Plus ancien est le dessin, plus épais est l’apprêt. » Mais quelle que soit l’épaisseur de ce lit,
les feuilles demeurent extrêmement fragiles et peuvent s’écailler sans une manipulation soignée. Il est hors de doute que les artistes, qui passent un temps considérable à préparer leurs papiers, les manient avec précaution et soignent l’exécution des dessins qu’ils souhaitent conserver, soit pour l’enseignement, soit comme modèles de répertoire. Par contre, quand ces beaux dessins, biens finis, servent en cours d’exécution d’un
tableau, leur survie est grandement menacée : manipulés par des assistants, pas toujours très respectueux, lors du transfert, manipulés par les artistes pendant leur travail, ces dessins sont souvent froissés, déchirés ou maculés de peinture.

Il est incontestable qu’une énorme masse de ces dessins a disparu, dont une grande quantité certainement jetée par les artistes eux-mêmes. L’Étude pour un saint Sébastien de Pérugin a échappé à ce destin mais nous est parvenue dans un état médiocre. La quantité de couleur broyée avec la poudre d’os, de craie ou de blanc de plomb varie proportionnellement au ton désiré : peu de couleur pour un apprêt pâle, beaucoup de couleur pour un apprêt plus ou moins obscur et proportionnellement moins de blanc.
L’ajout de blanc de plomb diminue l’intensité des couleurs mais accroît l’opacité des teintures, donc leur pouvoir couvrant. L’artiste peut également obtenir des teintes particulières en broyant plusieurs pigments différents avec l’ingrédient de base. Ainsi, pour un fond vert, Cennini rapporte la recette suivante : « Prends une demi-noix de terre verte (terra verde), moitié de cette quantité d’ocre et un quart de blanc en pain, la valeur d’une fève d’os, de ce même dont je t’ai appris à te servir pour dessiner, une demi-fève de
cinabre; [...] » Il conseille de broyer ces ingrédients le plus longtemps possible sur la pierre de porphyre en ajoutant de l’eau claire.

Cennini expose six autres recettes de teinture, difficiles à composer aujourd’hui. Meder relève néanmoins que la plupart de ces pigments sont d’origine minérale, dont la terra verde, l’hématite, la sinopia, l’ocre et le
cinabre, la seule couleur végétale étant l’indigo. Il est cependant difficile de dire quelle fut la portée de ces recettes de Cennini auprès des artistes, d’autant que nous ignorons s’il propose des recettes communément utilisées, de sa propre invention ou un peu des deux. Ce qui est certain est que les ateliers rivalisent entre eux pour améliorer les pratiques connues, sans divulguer leurs secrets. Il demeure que les recettes mixtes de
Cennini soulèvent un point négligé jusqu’à ce jour, à savoir si les merveilleuses tonalités des apprêts des dessins conservés résultent ou non de mélanges de pigments; il est probable que seules les analyses chimiques pourront éventuellement répondre à cette question. La fin du 14e et le début du 15e siècles ont, selon Cennini, une franche prédilection pour la terre verte : « La terre verte est la plus répandue et celle dont on use le plus. »
Mais le 15e siècle aime aussi les tons relativement soutenus, comme le violet et l’incarnat, ou tendres comme les roses, les jaunes clairs, les bleus légers et les gris perle. Lavallée relève une évolution du goût pour les tons affirmés vers les tons plus clairs et De Tolnay l’inverse.



Réponse n° 3
    -  par yoann le 08/03/2021 - 12:35

Je vous propose de lire la suite intéressante via le lien laissé dans le premier message. Si certains s'y essaient, qu'ils partagent avec nous le fruit de leur expérience !


Yoann



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