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Forum - Sujet n°182

Sujet n°182  -  Question sur le blanc de plomb
    -  par Delac2 le 08/08/2025 - 19:27

Bonjour M. Vibert,


Je faisais des tests sur différentes huiles de broyage avec mon blanc de plomb (lin cuite, noix crue, noix cuite). Or il s'avère que mes échantillons (et tout particulièrement à l'huile de noix crue) se sont mis à fortement jaunir dans l'heure (comme si on avait ajouté une bonne dose d'ocre jaune). Ce phénomène est réversible dans les 12h suivantes (la nuit essentiellement donc sans uv) et l'échantillon retrouve son blanc pur. Je n'ai pas observé ce phénomène lorsqu'après 12h de broyage on se sert de peinture sortant d'un tube : la réaction se produisant donc dans le tube durant ce laps de temps (le phénomène se produit bien en sorti du tube juste après broyage). J'ai essayé avec un autre batch de blanc de plomb et rien ne se produit. Le lot concerné par le phénomène avait été lavé à l'eau déminéralisée très chaude, ce que je ne fais plus. Je ne sais pas si vous avez une idée de la cause de la réaction chimique ? Si mon lot de blanc est utilisable ou non ? Je ne sais pas vraiment ce que cela fait à l'huile qui malgré tout retrouve sa blancheur... très curieux..


Aussi, je me permets de saisir l'occasion pour vous adresser 2-3 petites questions : savez-vous s'il y a une contre-indication à cuire une huile de noix crue qui avait été traitée à la chaux éteinte et à la craie (dans un objectif de conservation après démucilagination) ?
Je pense utiliser du papier marouflé sur panneau, préférant les supports assez lisses. J'ai parfois entendu dire qu'il y avait un risque de délamination du fait d'une accroche plus faible qu'avec du lin ou autre relief. Cependant, beaucoup de tableaux au Louvre sont ainsi battis. Donc je ne sais pas si c'est vrai, si vous en avez déjà entendu parler en conservation ?


Enfin, une info que je ne trouve pas : finalement, quelle est la cause du noircissement du Radeau de la Méduse ? De nombreuses hypothèses ont été émises, mais je crois que c'est a priori une huile sur-lithargée ?


Désolé d'avoir été un peu long ! Je ne sais pas si vous partez, mais j'en profite pour vous souhaiter de bonnes vacances !

 

Bien cordialement,

 

Sh



Réponse n° 1
    -  par Delac2 le 08/08/2025 - 19:29

Bonsoir à vous,


"Je faisais des tests sur différentes huiles de broyage avec mon blanc de plomb (lin cuite, noix crue, noix cuite)."

 

Ma première question est la suivante : "Qu'appelez-vous "mon blanc de plomb" ?" Un blanc pigmentaire, certes, mais obtenu de quelle manière ?

 

"Or il s'avère que mes échantillons (et tout particulièrement à l'huile de noix crue) se sont mis à fortement jaunir dans l'heure (comme si on avait ajouté une bonne dose d'ocre jaune). Ce phénomène est réversible dans les 12h suivantes (la nuit essentiellement donc sans uv) et l'échantillon retrouve son blanc pur. Je n'ai pas observé ce phénomène lorsqu'après 12h de broyage..."

 

Vous voulez dire que vous avez broyé votre blanc pendant 12 heures ? Ai-je mal compris ?

 

"...on se sert de peinture sortant d'un tube : la réaction se produisant donc dans le tube durant ce laps de temps (le phénomène se produit bien en sorti du tube juste après broyage). J'ai essayé avec un autre batch de blanc de plomb et rien ne se produit. Le lot concerné par le phénomène avait été lavé à l'eau déminéralisée très chaude, ce que je ne fais plus."

 

Il faudrait que vous me décriviez plus précisément le (les) processus par lequel vous obtenez votre blanc.

 

"Je ne sais pas si vous avez une idée de la cause de la réaction chimique ? Si mon lot de blanc est utilisable ou non ? Je ne sais pas vraiment ce que cela fait à l'huile qui malgré tout retrouve sa blancheur... très curieux.."


"Aussi, je me permets de saisir l'occasion pour vous adresser 2-3 petites questions : savez-vous s'il y a une contre-indication à cuire une huile de noix crue qui avait été traitée à la chaux éteinte et à la craie (dans un objectif de conservation après démucilagination) ?"


A priori, non. Si l'huile est bien décantée, cela revient quasiment à cuire l'huile sans additif. Le fait d'avoir maintenu l'huile en présence de produits faisant office de tampon alcalin a tout simplement évité que celle-ci s'acidifie. Elle sera donc un peu moins réactive qu'une huile plus acide.

 

Je pense utiliser du papier marouflé sur panneau, préférant les supports assez lisses. J'ai parfois entendu dire qu'il y avait un risque de délamination du fait d'une accroche plus faible qu'avec du lin ou autre relief. Cependant, beaucoup de tableaux au Louvre sont ainsi battis. Donc je ne sais pas si c'est vrai, si vous en avez déjà entendu parler en conservation ?

 

Aucun problème si votre méthode de marouflage est performante. Evitez cependant de partir sur un support trop lisse. Une surface légèrement rugueuse favorise un accrochage mécanique.


"Enfin, une info que je ne trouve pas : finalement, quelle est la cause du noircissement du Radeau de la Méduse ? De nombreuses hypothèses ont été émises, mais je crois que c'est a priori une huile sur-lithargée ?"

 

Noircissement et, surtout, crevasses (au-delà de simples craquelures) ! On avance généralement l'usage du bitume. Il est vrai que ce produit a été fort en usage, en particulier durant la première moitié du XIXème siècle. Mais l'emploi d'huiles sursiccativées à la litharge est aussi fort probable. Ces deux causes combinées expliquent vraisemblablement les déboires de nombreux peintres à l'époque : Delacroix, Géricault, Prud'hon, Decamps, etc.

 

Bien cordialement,

 

Christian VIBERT

 



Réponse n° 2
    -  par Delac2 le 08/08/2025 - 21:24

Merci pour vos réponses !

 

En effet pour être plus complet sur le blanc de plomb : il a été obtenu par exposition à du vinaigre alimentaire et de la levure. Le lot problématique avait été lavé (3x) à l'eau déminéralisée chaude 70 degrés (ce qui parait-il est une erreur). J'avais fait deux autres petits lots de test lavés 2x à l'eau froide du robinet qui eux n'ont pas été problématiques. Sinon, hormis ceci, belle blancheur et matière agréable. La seule différence entre ces différents lots est donc le lavage.

 

Par expliciter les "12h" de mon message : j'ai broyé du blanc avec différentes huiles qui ont été appliqués immédiatement sur du papier. Échantillons qui ont donc jaunit (très fortement avec de l'huile crue) avant de redevenir blancs durant la soirée/nuit. Ils étaient quasi blancs au matin et d'un blanc immaculé (sauf broyage à l'huile de lin) ensuite. Ayant du blanc de trop une fois mes échantillons appliqués sur du papier, j'avais procédé à une mise en tube. Le lendemain matin (12h après), j'ai fait un test avec ce même blanc conservé en tube qui est resté quasi blanc (un très léger jaunissement qui s'est rapidement résorbé).

 

Voilà, c'est un peu particulier comme phénomène.. je ne trouve pas de raison valable, si vous avez une idée.. sinon je me servirai de ce lot pour de petits exercices de nature mortes.

 

Concernant le Radeau : ceci me rappelle l'exposition de Rousseau au Petit Palais il y a 1 ou 2 ans. Faite dans la pénombre...

 

Bonne soirée !

 

Sh



Réponse n° 3
    -  par Delac2 le 08/08/2025 - 21:27

"Merci pour vos réponses !"

 

"En effet pour être plus complet sur le blanc de plomb : il a été obtenu par exposition à du vinaigre alimentaire et de la levure. Le lot problématique avait été lavé (3x) à l'eau déminéralisée chaude 70 degrés (ce qui parait-il est une erreur)."

 

Ce n'est pas une erreur. C'est une des méthodes qui permet de faire remonter le taux d'hydroxyde de plomb par rapport au carbonate de plomb. En effet, tout dépend la manière dont vous avez poursuivi le processus de fabrication. Si vous l'avez poussé très loin et longtemps, il est possible que le composé obtenu soit essentiellement du carbonate de plomb neutre.  Si vous souhaitez obtenir un hydroxycarbonate de plomb (composé basique), qui est la formule du blanc de plomb traditionnel, il peut être nécessaire, en effet, de le travailler à l'eau chaude.

 

"J'avais fait deux autres petits lots de test lavés 2x à l'eau froide du robinet qui eux n'ont pas été problématiques. Sinon, hormis ceci, belle blancheur et matière agréable. La seule différence entre ces différents lots est donc le lavage."

 

"Voilà, c'est un peu particulier comme phénomène.. je ne trouve pas de raison valable, si vous avez une idée.. sinon je me servirai de ce lot pour de petits exercices de nature mortes."

 

Si votre huile est relativement acide, il est donc logique qu'un blanc de plomb du type hydroxycarbonate basique réagisse plus nettement avec elle qu'un blanc de plomb du type carbonate neutre. D'où le jaunissement. Une fois la réaction finalisée, la couleur tend à disparaître. Donc aucun risque, a priori, pour l'utilisation de ce blanc.

 

Par contre, hormis la couleur, vous devriez tester le comportement sous la brosse de ces deux blancs. Le blanc traditionnel étant un hydroxycarbonate de plomb et le blanc moderne (quand on le trouve encore...) un carbonate de plomb, il n'est pas inintéressant de les comparer en situation picturale réelle.

 

Tenez-moi au courant.

 

Bonne soirée à vous de même.

 

Christian VIBERT

 



Réponse n° 4
    -  par Delac2 le 09/08/2025 - 08:40

Merci c'est très très instructif ! Je n'avais pas connaissance de cela. Je vais me pencher dessus et je vous reviendrai. Et puis ça m'arrange pour ce lot car les opérations de décantation ont été longues..


Bonsoir,


Sh



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