Atelier des Fontaines

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Forum - Sujet n°89

Sujet n°89  -  Composer le médium Maroger
    -  par ChristianVIBERT le 10/03/2019 - 11:41

"Bonjour Christian

 

Etant complètement tombé sous l'emprise du médium Maroger ATP,"

 

Médium Maroger Atelier des Fontaines plus exactement. La coopérative liée à l'Association "ATP - Art et Techniques de la Peinture" ne fait que proposer des produits de qualité achetés en gros chez d'autres fournisseurs.

 

"j'essaie depuis quelques temps de le fabriquer moi-même comme nous l'avons vu au stage.  Même si j'ai l'impression de n'être pas trop loin du résultat je n'arrive quand même pas à avoir la même consistance que le médium que tu commercialise.   Le médium que j'ai obtenu est beaucoup moins granuleux que le tien"

 

Cette granulosité est à l'origine, précisément, du phénomène de thixotropie. C'est parce que le médium est hétérogène dans sa structure qu'il possède cette caractéristique, comme les sables mouvants. Le mouvement  détruit l'agencement des grains quand le retour à l'état de repos le reconstitue. Note, en effet, que cette granulosité semble disparaître quand on malaxe le médium avant usage, ce que je conseille dans le mode d'emploi. Par ailleurs, le médium étant mélangé dans les pâtes à l'huile, cette légère granulosité ne se montre absolument pas, même sous forme de glacis très minces, d'où le brillant du médium.

 

"et un peu plus liquide mais il a bien des propriétés thixotropique.  Par contre, il est un peu moins siccatif mais ça peut être la manière dont j'ai chauffé l'huile au départ qui en est responsable."

 

C'est possible. Note aussi que, comme je l'explique durant le stage, j'introduis un autre oxyde métallique dans la recette qui, outre le fait de stabiliser le médium au-delà des 6 mois de conservation recommandés, contribue à accélérer sensiblement sa siccativation.

 

"Voici la manière dont j'ai procédé:

L'huile noir

Ingrédients

100ml d'huile de lin -> 91.97gr

litharge -> 3.71gr"

 

Tu possèdes une balance sacrément précise ! La mienne ne va pas au-delà du dixième de gramme, ce qui est suffisant pour l'usage que nous en avons.

 

"Procédure

-  J'ai fait chauffer de l'huile de lin à un peu plus de 100°C pendant 30min ... l'affichage de ma plaque chauffante n'allant pas plus loin que 100°C j'ai dû me contenter de +- 120°C au lieu des 240°C que tu conseillait au stage."

 

Attention : cette dernière température n'est pas celle mise en œuvre pour la cuisson ! Pour une huile noire à destination d'un vernis pour lutherie, ce serait correct. Pour un usage pictural, elle est beaucoup trop élevée. Elle ne sert qu'à finaliser l'étape de démucilagination d'une huile auparavant déjà largement purifiée.

 

"J'attends une plaque chauffante plus performante que j'ai commandé il y a deux mois en Chine.

- Puis j'ai broyé du litharge dans l'huile que j'avais mis de coté que j'ai ajouté à l'huile en remuant doucement ... la couleur de l'huile a tourné au jaune ochre.

- Puis j'ai enlevé la sonde pour la plaque chauffe plus tout en remuant doucement."

 

Contrairement à ce qui est souvent indiqué, tu peux remuer énergiquement et constamment. Cette action contribue à la parfaite dissolution de la litharge dans l'huile, ce qui est le but recherché. Si la cuisson a été bien menée, il ne doit plus rester de litharge au fond du bécher en fin d'opération. La filtration finale, qu'on trouve dans la plupart des recettes, est inutile. Elle est la preuve que la procédure n'est pas parfaitement maîtrisée ou que la quantité de litharge mise en œuvre est trop importante.

 

"Comme j'ai lu dans le livre de Maroger j'ai bien fait attention de ne jamais dépasser le stade d'un léger fumet.  J'ai donc continué à chauffer l'huile pendant 2h tout en remuant et faisant attention au fumet."

 

Il est très aléatoire de se fier à la seule quantité de fumée. C'est pourquoi les Anciens, en l'absence de thermomètre, utilisaient une gousse d'ail ou une plume de poulet pour visualiser l'état de cuisson de l'huile. Procure-toi un bon thermomètre ou un thermocouple. C'est quand même plus précis.

 

"- Le tout est resté pendant plus ou moins un mois pour que le plomb se dépose.

 

Le vernis mastic

Ingrédients

30ml de térébenthine rectifiée -> 25.8gr

mastic moulu -> 20gr

Procédure

- Chauffé la térébenthine à 98°C

- Versé le mastic en pluie tout en remuant jusqu'à sa complète dissolution

- Laissé refroidir le vernis et versé dans un flacon

- Laissé reposer le vernis pour qu'un dépot se forme

 

Finalement, j'ai mélangé l'huile noir et le vernis à part égale ... un gel s'est bien formé après 5 à 10 minutes

 

J'ai tout d'abords pensé que c'était mon huile qui n'avait pas chauffé assez au tout début mais j'ai fait le test avec l'huile noir que nous avions préparé lors du stage mais j'obtient le même résultat."

 

Comme je vous l'ai expliqué, cette recette d'huile noire n'est pas exactement celle que je compose pour le médium Maroger Atelier des Fontaines. Parmi toutes les recettes existantes - et elles sont nombreuses - elle est l'une de celles que j'ai sélectionnée comme particulièrement performante, mais elle n'intègre pas d'oxyde métallique supplémentaire. Pour assurer la conservation du médium résultant, il suffit de ne le composer qu'au fur et à mesure, selon les besoins, de manière à ne pas avoir à le conserver déjà préparé au-delà de 6 mois.

 

"J'en conclue donc les choses suivantes:

- Soit que j'ai mal fait quelque chose (ce qui est fort probable)"

 

Si ce n'est la température de cuisson - ce qui est un paramètre important - qu'il faudrait que tu contrôles avec plus de précision, et l'agitation à maintenir durant toute la durée de cuisson, je ne vois pas de problème particulier.

 

- Soit c'est le mastic que Kremer vends qui n'est pas de bonne qualité.

 

Je ne vois pas non plus pourquoi la résine mastic à petites larmes proposée par Kremer ne serait pas de qualité. Cependant, je te conseillerais de te fournir auprès de la coopérative ATP. Tu travaillerais avec une résine mastic à grosses larmes, donc beaucoup plus pure, sans débris, fraîche et moins oxydée, donc plus pâle, se dissolvant mieux et avec moins de perte à la décantation. De plus, je la fais venir directement de l'île de Chios, et à un prix nettement inférieur à celui proposé par Kremer. La comparaison est sans appel !

 

"- Soit qu'il y a un autre ingrédient qui rend le médium un peu plus granuleux comme de la cire ou autre. Voir ci-après pourquoi j'ai tiré cette conclusion."

 

Non, il n'y a pas de cire dans le médium Maroger Atelier des Fontaines. D'où son brillant et sa transparence. Celle-ci amène effectivement un effet granuleux caractéristique du médium vénitien, mais qui se manifeste par un rendu satiné, non pas brillant, et une certaine opalescence plutôt que transparence.

 

"En analysant ton médium j'ai eu l'impression qu'il était plus cireux et comme j'ai lu dans le livre de Maroger que le médium vénitien contenait de la cire j'ai testé cette piste là.

Procédure

- J'ai vidé un tube de 30ml de mon médium Maroger dans un bécher que j'ai chauffé à 70°C

- Lentement j'ai versé 6gr de cire d'abeilles jusqu'à sa dissolution complète.

- Laissé refroidir jusqu'à 50°C et versé dans un tube.

 

Le médium obtenu est très rigide mais quand même malléable.  En tout cas ce n'est pas un médium utilisable pour peindre sans éventuellement le chauffer un peu."

 

Ta quantité de cire est trop importante. Pour un médium vénitien bien dosé, reprends la recette que je vous ai donnée durant le stage. Ceci étant, il est effectivement possible de mélanger le médium Maroger et le médium vénitien pour des effets intermédiaires qui ne sont pas inintéressants.

 

"J'ai tenté de mélanger à la palette le médium maroger et le médium à la cire à part égale.  Le résultat que j'ai obtenu est asse granuleux mais trop rigide.  Je me demande donc si je ne diminuerais pas la quantité de médium à la cire ... affaire à suivre.

 

Voila donc le résultat de ma quête du graal Maroger wink   Vois-tu quelque chose qui pourrait clocher dans mes préparations?   En attendant de te lire je te souhaites une excellente journée.

 

Amicalement."

 

Le médium que tu as obtenu n'est pas une copie conforme du médium Maroger Atelier des Fontaines. Est-ce pour cela qu'il ne serait pas intéressant pour l'utilisation que tu veux en faire ? Teste-le en situation picturale réelle. Il est le produit que tu as réussi à composer et, en cela, il doit déjà représenter une satisfaction personnelle.

De plus, s'il manifeste bien une certaine thixotropie, c'est-à-dire s'il ne coule pas au repos, même dilué raisonnablement, s'il est bien brillant, transparent et siccative dans un délai raisonnable, il n'y a pas lieu de le rejeter.

Cependant, pour aller plus loin, comme dit plus haut, contrôle mieux la température de cuisson de manière à pouvoir reproduire, de cuisson en cuisson, le même produit, ou à le faire évoluer selon tes souhaits. Maintiens l'agitation pour une meilleure dissolution de la litharge et utilise de préférence une résine à grosses larmes pour la composition du vernis mastic.

Note encore que la qualité de l'huile mise en œuvre a toute son importance. Pour une huile achetée en petite quantité, donc peu oxydée, l'huile de lin de première pression à froid en provenance de Suède est, actuellement, ce qu'il y a de meilleur. Elle est nettement plus onctueuse qu'une huile raffinée industriellement et beaucoup plus siccative.

 

Bon travail. Tiens-moi au courant de la suite de tes expérimentations.

 

Christian



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