Bonjour M. Vibert, je consulte beaucoup ce site de Google :http://www.google.com/culturalinstitute/asset-viewer/cloud-study/PwGZvjNp6U_xe w?hl=f r&projectId= art-project
qui permet d'agrandir les images jusqu'à découvrir parfois les plus intimes détails de la texture picturale. J'ai par exemple "voyagé" une après-midi entière dans la "ronde de nuit" de Rembrandt. C'est extraordinaire ! Ici, une magnifique étude de ciel de Constable. Je vous suggère de l'agrandir au maximum et vous verrez apparaître votre émulsion. On en jurerait, en tous cas. Bien à vous, Alain R.
Bonsoir Monsieur RIVIERE,
Effectivement le site Google Art Project est passionnant. Même si le fait de pouvoir en visualiser les détails en gros plan ne remplace pas la vision réelle de l'œuvre, cela permet d'en avoir une idée précise sans même avoir à se déplacer. C'est un privilège certes incomparable !
Concernant le paysage de Constable que vous citez et, d'une manière générale, la peinture anglaise de la fin du XVIIIème et du début du XIXème siècle (Reynolds, Raeburn, Turner...), que j'ai d'ailleurs copié avec passion à l'époque (déjà lointaine...) où j'étais étudiant à l’École des Beaux-Art de Paris, il est bien connu maintenant que ces peintres utilisaient un médium du type megilp ou meguilp, à base d'huile au plomb et de résine mastic. La recette en était différente de celles proposées par l'Atelier des Fontaines, à la fois par les additifs utilisés, mais aussi par la méthode de préparation. Certains techniciens et restaurateurs considèrent qu'elle serait criticable et expliquerait, du moins en partie, les déboires de quelques-uns de ces peintres, Reynolds en particulier. Maroger, dans son ouvrage, se fait d'ailleurs l'écho de cette problématique.
Quoi qu'il en soit, l'utilisation par les peintres de cette époque d'un médium gélifié est, maintenant, certaine, et celle du blanc de plomb, quasi exclusive dans la technique à l'huile jusqu'à la première moitié du XIXème siècle. Par ailleurs, il faut savoir que ce blanc était traditionnellement préparé d'abord à l'eau - "Flushing process" - avant d'être empâté à l'huile. Le blanc de plomb conservait donc une part d'eau résiduelle, ce qui lui donnait une consistance crémeuse très spécifique.
Par ces différentes caractéristiques, on peut considérer que les effets visibles, par exemple dans les "Works in progress" que je présente sur le site "Atelier des Fontaines" ou au travers vos propres essais, et ceux obtenus par un peintre comme Constable peuvent avoir des similitudes. On retrouve effectivement la même variété des blancs, de l'opacité la plus franche à la translucidité quasi immatérielle, qui masquent ou au contraire laissent transparaître de-ci de-là la préparation ocre brune. La touche est tantôt fondue, tantôt saisie, et présente par endroits une certaine discontinuité très particulière - un certain grain - qui contribue à la différenciation de la matière.
Cependant, je ne pense pas que les peintres anglais de cette génération aient, à proprement parler, usé d'émulsions dans leurs œuvres. Les derniers utilisateurs de produits de ce type ont dû être les flamands et hollandais du XVIIème siècle, Rembrandt entre autres, en particulier pour l'obtention de ses généreux empâtements si caractéristiques.
Cordialement,
Christian VIBERT