Bonsoir,
Je me permets d'intervenir sur ce forum car j'ai lu sur une des pages du site une remarque qui m'a frappée : le fait que des produits "historiques" (le médium Duroziez par exemple) avait totalement changé de composition tout en conservant le même nom.
Il y a bientôt dix ans, j'avais expérimenté une recette de Xavier de Langlais, à base de térébenthine de Venise, de standolie et de médium Duroziez. Et j'avais adoré : le tableau était fait en une séance, la pâte était onctueuse et tirante, je pouvais superposer les touches puis fondre les couleurs à volonté, ce médium était garnissant et "happait" (les touches et les couleurs se liaient harmonieusement), les jus de départs étaient aisément réactivés par les touches en demi-pâte ultérieures, bref : le médium idéal.
Au début, je n'ai pas réussi à chaque fois à retrouver cette qualité, malgré des dosages méticuleux et un carnet de bord journalier. J'ai mis ça sur le compte de la température, du taux d'humidité, de la marque et du vieillissement des ingredients... Puis, finalement, je n'ai plus jamais retrouvé les sensations que procurait ce médium génial.
Après avoir lu votre article, une possible explication serait que j'ai utilisé au début un médium Duroziez "ancienne recette" (j'avais utilisé de vieux produits qui dataient de ma formation aux Beaux-Arts) puis me suis réapprovisionné en médium "nouvelle recette".
Depuis, j'ai expérimenté une foule de médium, mais je suis à la recherche d'une recette stable et sure.
En parcourant votre site, je suis tenté par l'émulsion et médium Flamand, version onctueuse qui me semble permettre ce que je vous ai décrit de ce médium "idéal" : garnissant, onctueux, tirant...
Est-ce le produit que vous me conseilleriez ? Un autre conviendrait-il mieux ?
Merci de m'avoir lu,
et vraiment un grand bravo pour votre travail, c'est très impressionnant.
david
Bonsoir David,
Et oui, c'est le problème avec nombre de fabricants. Pour des raisons commerciales, le produit étant connu et représentant un marché, les fabricants gardent la même appellation, mais peuvent changer du tout au tout sa composition... Pour ne citer que Lefranc et Bourgeois, c'est le cas des médiums et vernis J. G. Vibert (un homonyme), actuellement à base de résines acrylique et/ou cétonique ; autrefois composés à partir de résine dammar modifiée (la résine dite "normale" de Vibert). Mais c'est aussi vrai pour les versions récentes des médiums flamand et vénitien en pâte.
Concernant le fameux siccatif de Harlem Durozier au copal dur de Madagascar, produit tant apprécié par Xavier de Langlais, il ne contient plus un soupçon de copal. La résine de synthèse formophénolique l'a remplacé... Ce qui me fait sourire (jaune) quand j'échange avec certains peintres qui m'assurent suivre à la lettre les recettes glanées dans "La technique de la peinture à l'huile" de cet auteur bien connu. C'est ainsi... Il est vrai que trouver encore de la résine de copal fossile est devenu extrêmement difficile.
Concernant les médiums flamands que je propose, ils existent en quatre versions à l'huile de lin préalablement cuite à haute température, plus une version uniquement cuite à basse température : le médium Maroger. Si vous recherchez un médium bien tirant sous la brosse, la version "tirante", justement, est celle qui vous conviendra le mieux. Tout en restant thixotrope, c'est-à-dire gélifiée au repos et se fluidifiant sous le mouvement de la brosse, elle est quand même celle qui prend le plus vite et donne une sensation de résistance la plus nette sous la brosse, d'où des effets de grain, de matière, très nets. Si, au contraire, vous recherchez une matière plus souple, permettant des fondus plus raffinés, la version "onctueuse" répondra à vos souhaits. La version "moyenne "est intermédiaire. Quant à la version "à siccativité renforcée", elle est basée sur la version tirante, mais est réglée pour sécher dans le laps de temps d'une nuit, permettant ainsi de reprendre une ébauche dès le lendemain matin.
Quant aux émulsions correspondantes, elles sont le prolongement des médiums dont elles sont issues. Elles donnent accès à une nouvelle manière de voir et concevoir la peinture, qui permet de passer outre la sacro-sainte et tyrannique règle du "gras sur maigre". Ce faisant, il n'existe plus de limitation technique à la peinture à l'huile. Ce qui a fait dire, par exemple à un peintre tel Titien, qu'il avait pu superposer jusqu'à 40 couches de couleurs ! Quel peintre œuvrant gras sur maigre pourrait se permettre cela, à moins de finir à l'huile pure ? Et comment expliquer les impressionnants empâtements de Rembrandt, reglacés en transparence, quand on connaît son tempérament ? Pouvait-il vraiment attendre des semaines durant avant de reprendre son ouvrage ? Et pourtant, la conservation de ses œuvres est étonnante. La réponse ? Je vous la laisse deviner...
J'espère avoir répondu à votre questionnement.
Cordialement,
Christian VIBERT