"Bonjour Monsieur VIBERT,
Je voudrais d'abord vous dire à quel point vos produits m'ont fait redécouvrir la peinture à l'huile ! De part la luminosité et la profondeur qu'ils donnent à la pâte et la possibilité de travailler de manière très diluée sans risques de coulures, permettant ainsi une écriture précise et totalement libéré. Et encore bien d'autres avantages que je découvrirai avec l'expérience de la pratique.
Cependant, je rencontre un problème dont j'avais déjà fait les frais auparavant avec d'autres produits. Ce qui me conforte dans l'idée que le problème ne vient pas des matériaux utilisés mais bien de l'emploie que j'en fait.
J'ai joint quelques photos prises avec les moyens du bord et, je m'en excuse, de qualité médiocre. J'ai procédé de manière plutôt prudente et conventionnelle :
Sur une "imprimature" à base de terre de sienne brûlée entre autre, j'ai ajouté quelques ombres et attendu deux semaines voir plus pour permettre un séchage complet."
Vous avez donc passé une imprimature huileuse, si je comprends bien, et, à voir le résultat, votre fond semble très brillant.
"Avant la reprise au blanc à l'émulsion lors de la seconde séance, j'ai pris soin de passer une légère couche de vernis à retoucher composé d'un volume de médium flamand pour six volume de térébenthine."
Très bien.
"Travaillant sur ce fond j'ai donc commencé à moduler mes lumières avec du blanc d'argent à l'émulsion. Cependant la pâte semble mal réagir sur le support, j'ai des difficultés à crée des modelés et à l'étendre sans que mes coups de pinceaux ne crée des "auréoles" dans la matière fraîchement posée au lieur d'obtenir des aplats fondus."
J’ai du mal à voir ce dont vous parlez sur vos photos. Je pense cependant comprendre que vos blancs n’accrochent pas sur votre fond.
"Je précise que j'ai respecté les proportions des composants dans chacun des mélanges que ça soit pour l'émulsion ou le médium flamand (à savoir 1 vol de mastic pour 1 vol d'huile pour le médium, 1 vol de médium pour 1 vol liant aqueux pour l'émulsion). Toutes les précautions et les manipulations lors de la fabrication de ceux-ci ont été respectées."
Très bien.
"Voici les autres photos que j'ai oublié d'insérer dans le mail précédent. On peut distinguer ce dont je parle particulièrement sur l'avant bras et le dos de la main ainsi que sur le front et les joues. J'ai été relativement délicat lors de la pose du blanc pour éviter d'amplifier cet effet."
D’où, sans doute, le fait que je ne vois pas clairement ce problème sur vos photos.
"On dirait que la peinture semble mal adhérer, ici la matière est relativement mince car plus d'épaisseur aurait rendu le travail incontrôlable. J'utilise l'émulsion en mélange au blanc de manière raisonnée et sans excès."
La quantité d’émulsion qui peut être ajoutée aux pâtes peut l’être de manière très variable selon l’effet désiré.
"J'ai déjà rencontré ce problème auparavant avec d'autres matériaux, je précise de que je peint sur une toile préparée du commerce tout ce qu'il y a de plus basique."
Ce que vous me décrivez est effectivement contradictoire avec ma propre expérience de ces produits qui, au contraire, apportent une onctuosité et un certain tirant à la pâte, d’où des possibilités de modelés extrêmement fins. J’y vois plusieurs explications possibles :
- Comme dit dans le mode d’emploi, je conseille, tout d’abord, plutôt un départ sur un fond pas trop absorbant, mais préparé maigre : enduit acrylique sur toile tendue sur châssis ; colle de peau ou acrylique/vinylique sur panneau marouflé. Je ne sais quelle est la nature de votre enduit. S’il est gras, cela peut être une explication à la difficulté d’adhérence que vous rencontrez.
- A l’appui de cette hypothèse, comme je l’ai compris, votre imprimature est grasse. Cette pratique est possible, mais, personnellement, je préfère les imprimatures maigres, soit directement en colorant dans la masse la dernière couche d’enduit (imprimature opaque), soit en passant sur l’enduit un jus coloré basé sur l’encollage utilisé lors de la préparation du support : colle de peau ou liant acrylique/vinylique (imprimature transparente). La question est donc de savoir si votre imprimature n’est pas un peu trop grasse.
(Suite à lire dans la réponse suivante)
(Suite du texte précédent)
- A examiner encore vos photos, je me pose la question de savoir si ce que vous appelez « imprimature » ne serait pas en fait déjà un réel glacis posé généreusement au médium dilué… Le brillant et la transparence de votre fond me poussent à penser cela. Si tel est le cas, il aurait mieux valu ne pas attendre le séchage de ce glacis avant la reprise à l’émulsion. Le travail se fait dans le frais, maigre sur gras. C’est le principe même de la technique mixte.
- Maintenant, le fait de passer un vernis à retoucher avant reprise avec vos blancs devrait quand même vous offrir la sensation d’une bonne accroche, même sur un fond légèrement gras. Plusieurs possibilités :
- Êtes-vous sûr que votre diluant est bien de l’essence de térébenthine, non pas un ersatz à base de pétrole dont la vitesse d’évaporation, très lente, tarderait à vous offrir le léger collant désiré avant peinture ?
- Votre vernis à retoucher n’a-t-il pas été passé très généreusement créant ainsi un fond trop riche en diluant ? Il faut créer un fond moite, légèrement collant, surtout pas « une piscine ».
- Si ce léger collant tarde à venir du fait de l’imperméabilité de votre fond, vous avez la possibilité, soit de patienter un peu avant reprise de manière à laisser le temps à votre vernis à retoucher de commencer à prendre, soit de le diluer un peu moins (ex : 1 volume de médium pour 4 à 5 volumes d’essence).
- Ne diluez-vous pas trop vos blancs additionnés d’émulsion ? La quantité de diluant à ajouter dans les pâtes doit tout juste permettre une manipulation agréable, mais la pâte doit être relativement ferme si vous souhaitez obtenir des modelés faciles.
- La manière de tenir la brosse a aussi toute son importance pour obtenir des modelés. Vous devez travailler perpendiculairement, par allers-retours.
- Le grain du support contribue aussi à l’effet obtenu. Sur cette toile à gros grain, naturellement, les rehauts clairs peuvent avoir du mal à être fondus avec les pâtes posées précédemment.
- Quoi qu’il en soit, si le résultat obtenu ne vous satisfait pas totalement, vous avez toujours la possibilité de « remettre l’ouvrage sur le métier ». La reprise en troisième séance devrait vous permettre d’approcher de plus près le résultat attendu qui, a priori, ne me semble pas si désagréable que cela…
Voilà les quelques conseils que je peux vous donner. Sachez que la technique mixte, mise en œuvre de manière logique et avec des produits performants, permet de travailler vite et de manière extrêmement libre. Les pâtes peuvent être posées et superposées, même très généreusement, sans difficulté.
Sachez aussi que les stages que j’organise, si vous avez la possibilité d’y participer, visent précisément, entre autres, à travailler la mise en œuvre des médiums. On passe en revue de manière théorique et pratique les différents aspects du métier, depuis le choix et la préparation des supports les plus pertinents, jusqu’au vernissage final, en passant, bien entendu, par la préparation des huiles et vernis destinés à la composition de ces médiums. La façon de les utiliser est expérimentée, de manière concrète, brosses en main, face à plusieurs natures mortes choisies comme prétextes à travailler.
Bon courage !
Christian VIBERT
"Rebonjour Monsieur Vibert,
Je vous remercie de m'avoir répondu aussi vite et de manière aussi complète. Pour répondre à vos questions je dirais que le brillant de l'ensemble de la zone à été justement apporté par le vernis à retoucher qui a été à mon sens poser sans excès de manière a obtenir une surface légèrement moite et collante ( la photo a été prise quelques heures après le travail ce qui explique le brillant, qui depuis a diminué). Mon diluant est bien de la térébenthine mais je ne n'en pas utilisé pour les blancs, il s'agit du blanc en mélange avec l' émulsion seule. La toile est traitée avec un un enduit de type universelle (toile du commerce)."
Donc vraisemblablement un enduit acrylique.
"Pour être plus précis que ne le sont mes photos, je dirais que la sensation éprouvée lors du travail de la pâte m'évoque un manqué d'adhérence comme si la pâte était posée sur du verre et que chaque coup de pinceau donnerait des "écailles" laissant à nu l'imprimature dans la matière fraichement posée. Les aplat se dérobent a chaque coup de pinceau. Le fond serait donc trop lisse et trop poreux ?"
Trop lisse, non, puisque votre toile semble montrer un grain important. Et trop poreux, surtout pas ! Je pense que vous avez travaillé sur une imprimature trop grasse et, surtout, que vous l'avez laissée sécher avant de travailler vos blancs.
Par ailleurs, avez-vous repris dans le vernis à retoucher frais, ou avez-vous attendu qu'il soit sec ?
D'une manière générale, vos déboires évoquent un non-respect de la règle basique qui préside à la mise en œuvre de la technique mixte : vous semblez avoir repris en maigre sur un dessous trop gras et, possiblement, déjà sec.
Il aurait été préférable de poser une imprimature maigre, donc au liant acrylique abondamment dilué et de la laisser sécher au minimum une nuit. Puis, de passer votre vernis à retoucher et, dans le frais, de reprendre à l'émulsion.
Le mieux étant encore, sur ce vernis à retoucher frais, de travailler vos ombres au médium, donc en gras, puis, toujours dans le frais, de reprendre les blancs à l'émulsion.
"Comment régler ce problème et repartir sur un fond " sain" ?"
Laissez sécher le tout. Vérifiez que l'adhérence est correcte en frottant légèrement la surface du tableau, et repartez sur un vernis à retoucher frais. Travaillez vos ombres au médium et reprenez vos lumières, dans le frais, à l'émulsion. En bref, poursuivez en mettant en œuvre la technique mixte.
Cordialement,
Christian VIBERT
Je tiens a préciser que j'ai repris le travail à l'émulsion sur le vernis à retoucher frais, afin de respecter la règle du maigre sur gras qu'impose le travail à l'émulsion en alternance avec des couches grasses.
Ce problème m'est déjà arrivé auparavant et sans qu'il ne soit question de technique mixte.
Comme vous le suggérez, le problème vient sans doute du fond qui trouble l'accroche de la peinture.
Je verrais bien lors d'une troisième séance ce qu'il se passe, mais je n'ai guère confiance.
J'ai d'autres travaux en cours au stade d'ébauches monochromes, je verrais bien comment la pose des blancs se comportera sur celles-ci.
Le soucis c'est que j'avais déjà recommencer auparavant chacun des travaux plusieurs fois pour le même soucis, bien avant d'utiliser vos produits je précise.
"Je tiens a préciser que j'ai repris le travail à l'émulsion sur le vernis à retoucher frais, afin de respecter la règle du maigre sur gras qu'impose le travail à l'émulsion en alternance avec des couches grasses."
Ce point est donc éclairci.
"Ce problème m'est déjà arrivé auparavant et sans qu'il ne soit question de technique mixte.
Comme vous le suggérez, le problème vient sans doute du fond qui trouble l'accroche de la peinture."
Tout à fait. Démarrez sur une imprimature plus maigre et posez vos ombres au médium avant de reprendre à l'émulsion. Vous ne devriez plus rencontrer aucun problème d'adhérence.
"Je verrais bien lors d'une troisième séance ce qu'il se passe, mais je n'ai guère confiance.
J'ai d'autres travaux en cours au stade d'ébauches monochromes, je verrais bien comment la pose des blancs se comportera sur celles-ci. Le soucis c'est que j'avais déjà recommencer auparavant chacun des travaux plusieurs fois pour le même soucis, bien avant d'utiliser vos produits je précise."
Vraisemblablement du fait que vous ébauchez sur une imprimature trop grasse. L'imprimature sert, avant toute chose, à démarrer sur un fond non blanc de manière à pouvoir ébaucher autant vers le clair que vers le foncé. On peut lui trouver d'autres fonctions, certes, et comment ! mais celle-ci est déjà essentielle. Il faut donc lui conserver un caractère essentiellement maigre afin de ne pas partir, dès l'abord, en très gras, donc sur un fond déjà peu réceptif car sec et imperméable.
La technique mixte permet de reprendre sans difficulté "maigre sur gras", mais le fait de ne pas anticiper trop rapidement l'usage du gras permet quand même de faciliter les superpositions. Cette petite mise au point sera sans doute utile à d'autres peintres. Merci à vous.
Christian VIBERT
Merci encore une fois de votre générosité et du temps que vous consacrez à me répondre. Cela m'a permis d'y voir un peu plus clair !
Est-il possible de reprendre cette peinture sur une surface donc plus maigre sans de voir la recommencer depuis le début ?
J'ai constaté aussi qu'il m'arrivait d'obtenir une pâte plutôt collante à l'emploie cela jouerait-il un rôle dans ces désagréments ?
"Est-il possible de reprendre cette peinture sur une surface donc plus maigre sans de voir la recommencer depuis le début ?"
Oui, en théorie, si, après séchage et passage d'un vernis à retoucher, vous reprenez l'ensemble de votre peinture avec des pâtes à l'émulsion. Mais le résultat va vous décevoir, car vous allez perdre la transparence des ombres. Le mieux est de poursuivre comme je vous l'ai indiqué, calmement, dans le respect de la technique mixte.
"J'ai constaté aussi qu'il m'arrivait d'obtenir une pâte plutôt collante à l'emploie cela jouerait-il un rôle dans ces désagréments ?"
Ce serait plutôt l'inverse des désagréments évoqués précédemment. Cette sensation peut intervenir en particulier avec un médium très chargé en résine. Cela peut être désagréable lors de la manipulation, mais cela n'affectera pas l'adhérence, au contraire.
Cordialement,
Christian VIBERT