Question un peu tendancieuse, mais bien dans l'esprit du temps... Nous pourrions ne pas y répondre. Mais c'est de bonne guerre et nous nous y soumettons.
Le prix : le nerf de la guerre commerciale, justement ! Tout un chacun souhaiterait, en effet, avoir accès à un bien au coût le plus modique qui soit... Maintenant, peut-on comparer ce qui ne l'est pas ? Peut-on déjà comparer la qualité des produits finis ? Le tableau présent sur le site tente d'en donner une idée. Pour nous qui avons travaillé pendant une trentaine d'années avec les médiums en pâte Lefranc, qui en avons suivi les évolutions et avons décidé, en toute connaissance de cause, de les abandonner pour passer à une fabrication personnelle, la réponse est évidente. Les médiums en pâte flamand et vénitien Lefranc ont eu leur "âge d'or", produits phares de la renaissance des médiums, dans les années 1955. Depuis, leurs successeurs n'en sont plus que de "pâles" copies, si l'on peut dire. En effet, comme le disait un peintre, utilisateur des produits Atelier des Fontaines, professeur émérite dans une école des Beaux-Arts : "Le médium flamand de chez Lefranc ? Il fonce et jaunit énormément au séchage. Mais, comme il prend très vite, je m'en sers comme colle pour certains travaux." A chacun, donc, de choisir ce avec quoi il veut peindre !
Le site "Atelier des Fontaines", par ailleurs, est là, entre autres, pour exposer les caractéristiques des produits que l'on y trouve. Les retours des utilisateurs, que nous remercions au passage, sous forme de commentaires, en témoignent aussi (voir en particuliers au bas de cette page du blog "Atelier des Fontaines").
Ce qui est en jeu également, à travers cette question, c'est le fait de tester notre désintéressement : est-ce que nous fabriquons et commercialisons ces produits "pour faire de l'argent" ou par souci de faciliter le travail des peintres qui nous font confiance ? Au fond, est-ce que nous nous approprions la technique mixte prétendant que seuls les produits Atelier des Fontaines pourraient permettre de la mettre en œuvre, ou est-ce qu'ils sont un plus apporté à cette technique ?
Les peintres "plus tout à fait jeunes" (nous en faisons partie...), en particulier ceux qui ont eu l'occasion de travailler selon les conseils et avec les matériaux que conseillait Nicolas Wacker, nous comprendront. Initiateur de la technique mixte en France, ce professeur à l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris dans les années 1970-80 savait sans doute que, si ses conseils techniques étaient porteurs d'espoir pour les jeunes peintres qu'il formait, les matériaux avec lesquels il faisait ses démonstrations restaient basiques. Mais pouvait-il faire autrement dans le cadre institutionnel de l'Ecole ? Tant d'obstacles se dressaient sur sa route ! A commencer par les contraintes administratives, et sans parler de la question financière.
Ceci étant, poser clairement une question, c'est presque déjà y répondre. Voici donc la suite de notre réponse, mais à plusieurs étages.
Oui, notre objectif pourrait être de faire quelques bénéfices. Quelle entreprise ne poursuit pas un tel but ? C'est sa raison d'être ultime. Mais c'est aussi son moyen d'exister. Une entreprise non rentable est vouée à disparaître. Mais être rentable ne signifie pas nécessairement adopter une politique telle que tout soit mis au service de cette rentabilité sans égard pour le produit ou le service rendu. On serait alors à la limite de l'escroquerie.
L'affaire est-elle donc rentable sur le fond ? Pour parler sincèrement, et sans doute malheureusement, pas tant que cela. Comme l'explique très clairement un peintre talentueux et extrêmement original parmi nos connaissances, Jean-François Schembari, très engagé dans la composition de médiums dans la même lignée que ceux proposés par l'Atelier des Fontaines, il ne les commercialise pas car, vu leur coût de fabrication, l'affaire ne serait pas rentable. Effectivement, les matériaux de base sont déjà onéreux par eux-mêmes : huiles de qualité et résine mastic, entre autres.
Cependant, il est nécessaire d'examiner un autre point d'importance : peut-on comparer des produits fabriqués artisanalement et des produits industriels ? Le temps de main-d'œuvre est ici déterminant. Fabriqués selon un procédé industriel, comme l'a fait un temps Lefranc et Bourgeois, avec des produits un peu différents mais dans le même esprit, la mise en œuvre de ces produits pourrait être, sinon vraiment rapide - à moins de procéder par une série de filtrages extrêmement performants, décanter une huile nécessite toujours un certain temps -, du moins aisée. Mais, composés de manière artisanale, ces produits nécessitent un temps de main-d'œuvre extrêmement lourd : temps de cuisson qui se compte en heures ; temps de nettoyage des ustensiles et récipients, non négligeable ; temps de décantation qui se compte en mois, avec une immobilisation des produits ; temps de conditionnement et d'emballage, aussi, peu gratifiant, mais indispensable, etc. Bref : est-ce que nous faisons beaucoup d'argent eu égard au temps passé ? La question vaut la peine d'être posée, ce qui a fait dire à un autre peintre de notre connaissance qu'il était indispensable que nous nous la posions car, si la rentabilité n'était pas au rendez-vous, tôt ou tard nous serions amené à cesser l'activité.
Gageons, cependant, que la passion sera la plus forte, que les obstacles matériels, administratifs et financiers, sans compter la disponibilité des matériaux de base, ne seront pas insurmontables et que donc l'Atelier des Fontaines continuera longtemps de proposer les produits qui font la joie, à l'heure d'aujourd'hui, de plus d'une centaines de clients, artistes professionnels ou amateurs !... même s'ils sont un peu plus chers que d'autres, disponibles de plus chez tous les revendeurs de produits artistiques, en ville, en grandes surfaces ou sur Internet.
Christian VIBERT
Date de création :22/07/2014 - 08:06Dernière modification :18/10/2014 - 22:56