Je me suis procuré un vernis au mastic et du baume du Canada. Que pensez-vous du mélange de ces deux produits en tant que vernis final ?
La question des vernis est récurrente depuis que la peinture existe. Malgré les progrès de la chimie contemporaine, aucun produit ne répond encore parfaitement à ce que l'on pourrait attendre d'un vernis pour la peinture artistique. J. G. Vibert, peintre et chimiste bien connu de la seconde moitié du XIXème siècle, a bien résumé le problème dans son ouvrage : "La science de la peinture" - Paris - 1891, mettant en avant ce qu'il nomme "la résine normale". Celle-ci, dont les caractéristiques sont parfaitement décrites par cet auteur, n'existe malheureusement qu'en théorie.
Parmi les résines de synthèse, ni les acryliques, ni les cétoniques, qui avaient pourtant suscité beaucoup d'espoir, ne répondent encore parfaitement à ces caractéristiques. Les recherches se poursuivent donc dans les laboratoires. Le problème est que le marché de la peinture artistique ne pèse pas grand-chose au regard de ceux représentés par l'industrie. Les solutions proposées ne sont donc bien souvent que des extrapolations effectuées à partir de produits conçus pour des usages bien différents, entre autres pour la peinture des carrosseries pour l'automobile. On est bien loin de la peinture artistique ! Affaire à suivre, donc...
Les résines naturelles, utilisées depuis des siècles, ne sont pas non plus parfaites pour l'utilisation que nous en voulons en faire. Sinon, pourquoi rechercherait-on ailleurs ? Effectivement, elles jaunissent, craquellent ou gercent, sont sensibles aux UV, le deviennent à l'humidité au fur et à mesure... Pourtant, les artistes, et les plus grands, les ont utilisées, et pour cause : aucune solution autre n'existait ! Mais on comprend, par les innombrables recettes qu'ils nous ont laissées, que trouver un vernis adéquat faisait l'objet de recherches assidues. Et mélanger différentes résines pour bénéficier de leurs avantages respectifs tout en minimisant leurs défauts a été une piste abondamment explorée. La recette en question : vernis mastic assoupli par une petite proportion de baume du Canada en est une parmi d'autres.
Maintenant, et puisqu'il faut bien faire avec ce dont on dispose et que la réalité ne rime que rarement avec l'idéal, parmi les produits à disposition, il reste la possibilité d'effectuer un choix, sinon le meilleur, du moins le moins mauvais possible. De ce point de vue, et en tant que vernis final, malgré l'avantage de la simplicité de la recette en question, la résine mastic n'est certainement pas le meilleur choix, même en mélange avec le baume du Canada. En effet, incontournable pour obtenir des médiums thixotropes, indépendamment de son prix, le mastic se comporte moins bien au vieillissement que, par exemple, le dammar, bien moins cher de surcroît. Ainsi, les restaurateurs, pourtant particulièrement exigeants eu égard aux œuvres dont ils ont la responsabilité, ne l'utilisent plus guère, alors que les plus traditionalistes parmi eux conservent encore une certaine confiance dans le dammar.
Le baume du Canada, quant à lui, est un très beau produit, utilisé entre autres pour l'optique, lui aussi onéreux, mais bien pâle et d'un beau brillant. Yvel le conseille comme un assouplissant pour le vernis mastic. Cela reste, cependant, un additif, et non le constituant principal du mélange proposé. Me concernant, j'ai eu l'occasion de l'utiliser en mélange dans des médiums auxquels il confère effectivement une belle transparence et un beau brillant, tout en séchant bien mieux que le baume de térébenthine de Venise. Ceci étant, ne l'ayant pas testé en tant qu'additif pour un vernis, je ne peux en dire plus.
Yvel, recherchant la simplicité - et c'est une qualité - par l'usage global dans sa technique d'un nombre limité de produits, ne jure que par le mastic, aussi bien pour la composition de son médium que pour celle du vernis final. Il propose donc la recette en question. Tout en reconnaissant l'intérêt de son ouvrage, je ne peux pourtant, personnellement, conseiller ce mélange en tant que vernis final. Si l'on fait le choix d'un vernis composé à partir de résine(s) naturelle(s), le dammar semble encore le plus pertinent. Sa durabilité peut monter à une cinquantaine d'année quand le mastic, toujours en tant que vernis final, ne peut briguer, au mieux, qu'une durée de vie de vingt ans. Pour un vernis dit "définitif", c'est quand même fort peu !
Cordialement,
Christian VIBERT
Date de création :28/12/2014 - 12:17Dernière modification :23/03/2017 - 22:29